Opérations de terrain - Études de matériel - Études épigraphiques

OPÉRATIONS DE TERRAIN

 
ÉTUDES THÉMATIQUES

La fouille du « pont-barrage » de Ras Shamra
Bernard Geyer, Yves Calvet, Nick Marriner, Francesca Onnis, Jean-Philippe Goiran


Le pont-barrage après la fouille de 2008 (cliché Mission de Ras Shamra).

En 1986 a été découvert, dans le lit du Nahr ed-Delbé, au sud du site de Ras Shamra, un aménagement particulier – un « barrage-poutrelles » –, construit pour l’essentiel en blocs quadrangulaires de ramleh, un grès de plage calcaire que l’on trouve fréquemment à l’affleurement dans la région. Des fouilles menées dès 1986, puis en 2002 et en 2008, ont permis de dégager en partie l’ouvrage qui barrait le cours d’eau au moyen d'une pile centrale et de deux massifs d'ancrage implantés sur les rives : seule la pile et le massif de rive gauche sont conservés. Les deux passes ainsi ménagées pouvaient être fermées par des poutrelles glissées dans des encoches taillées dans la pile et dans les massifs d'ancrage, créant ainsi un « lac de retenue » en amont. L'ouvrage devait aussi servir de pont, assurant la circulation vers la ville grâce au franchissement du cours d'eau, mais il créait surtout une précieuse réserve en eau. Il s’agirait du plus ancien ouvrage de ce type actuellement connu en Syrie.

Les fouilles nous ont permis de préciser la ou les fonctions de l’ouvrage ainsi que ses modes de construction, à défaut de nous assurer pour le moment de sa datation précise. Ont pu être dégagés la pile centrale et le massif d’ancrage de rive gauche sur une longueur d’environ 10 m et sur une largeur maximale de près de 4 m. Même si l’ensemble de l’aménagement n’est pas mis au jour, nous pouvons déjà préciser son histoire, qui a connu deux phases distinctes de fonctionnement.
La première phase correspond à la construction de l’aménagement, réalisé en un appareil de blocs de pierre de taille modulaire, soigneusement taillés. Il servait alors probablement à l’irrigation puisqu’un « bloc à rigole », destiné à guider l’eau du lac de retenue vers la surface de la terrasse alluviale, a été trouvé sur le lit du nahr, peu en amont de l’emplacement de la vanne. Il est probable que l’aménagement servait aussi de pont, du fait de sa position par rapport au site de Ras Shamra. La datation de cette phase pose problème, mais l’hypothèse d’un aménagement remontant à l’âge du Bronze récent, période de splendeur d’Ougarit, est la plus probable.
La deuxième phase consiste en un empierrement, sans doute un chemin, réalisé avec des moellons de calcaire et de ramleh, qui vient coiffer le massif d’ancrage, face à la pile centrale. Cet empierrement est limité, en direction de la pile centrale, par deux blocs taillés posés à plat. Si la fonction de pont est donc attestée pour cette deuxième phase, celle de barrage n’est pas certaine. Des datations C-14 obtenues à partir de charbons de bois prélevés dans du mortier de chaux utilisé pour des réfections semblent indiquer une réutilisation à l’époque romaine.

Bibliographie :
- Al-Maqdissi M., Calvet Y., Matoïan V., Al-Bahloul K., Benech C., Bessac J.-C., Coqueugniot E., Geyer B., Goiran J.-P. , Marriner N., Onnis F., Sauvage F., à paraître, « Rapport préliminaire sur les activités de la mission syro-française de Ras Shamra-Ougarit en 2007 et 2008 (67e et 68e campagnes) », Syria.
- Calvet Y., Geyer B., 1995, « Environnement et ressources en eau dans la région d'Ougarit », in Le pays d'Ougarit autour de 1200 av. J.-C., Ras Shamra-Ougarit XI, Editions ERC, Paris, p. 169-182.
- Calvet Y., Geyer B., 1992, Barrages antiques de Syrie, Collection de la Maison de l’Orient méditerranéen n° 21, Lyon, 144 p.


La "maison d'Ourtenou" : les vestiges retrouvés
Yves Calvet

Dès le début des années 1970, on savait qu’il y avait dans le secteur sud de la ville d’Ougarit, la possibilité de découvrir des archives importantes pour l’histoire et la vie du royaume. Un lot de tablettes cunéiformes (plus d’une centaine de documents) avait été en effet découvert accidentellement dans un tas de déblais à cet endroit. Mais il fallut attendre 1986 pour commencer une véritable fouille. Les travaux se sont terminés en 2002. Ils ont apporté un nombre considérable d’informations. On a pu mettre en évidence des vestiges significatifs d’une maison dans laquelle furent retrouvées de très nombreuses tablettes (près de cinq cents documents) appartenant au même ensemble que celles du tas de déblais. Certains textes d’ordre privé permettent de rattacher ce bâtiment à l’activité d’un notable nommé Ourtenou à la fin du 13e et au début du 12e siècle av. J.-C.
La fouille a permis de restituer la totalité du plan de la maison, qui s’étend sur 250 m2 environ. Les murs sont conservés sur une hauteur variable selon les endroits. Une seule porte d’entrée se situe très probablement à l’ouest, donnant accès à une série de deux pièces. Au sud, de petits locaux avec un puits, une auge en pierre, un puisard montrent que c’est là que se déroulaient les activités domestiques liées à l’eau, comme le lavage des aliments ou des vêtements et bien sûr ce qui était nécessaire pour la boisson des habitants et la cuisson des aliments.
Au centre de la maison, une petite cour carrée donne accès, au nord, à la montée d’escalier. Il faut rappeler que c’est à l’étage que se déroulait probablement la vie familiale, le rez-de-chaussée étant réservé à l’entrée, aux activités liées à l’eau et au stockage des réserves.
Une grande partie du matériel archéologique trouvé dans les pièces du rez-de-chaussée vient de l’étage. Ce matériel est très varié : céramique locale à usage domestique (petites jarres, bols, assiettes, jattes, etc.), objets usuels, outils en métal, en os, en terre cuite, céramiques importées du monde mycénien ou de Chypre... qui permettent de retracer quelques activités qui se déroulaient dans la maison. Mais l’exemple des tablettes cunéiformes est également probant à cet égard. La plupart ont été trouvées dans les déblais d’effondrement et même dans la rue située au sud de la maison. Un autre lot était in situ dans une petite pièce du rez-de-chaussée.
À l’est de la petite cour, une porte ouvre sur une vaste pièce, recouvrant la tombe familiale. Au nord et à l’est, cette pièce est bordée de locaux plus petits, sans doute fort obscurs dans l’Antiquité, dont on pense qu’ils servaient en partie de stockage de denrées diverses.
La tombe elle-même est un vaste caveau en pierres de taille. On y descend par un couloir (dromos) qui ouvre sur la porte d’entrée de la chambre funéraire. C’est une construction très soignée, selon la technique courante (voûte en encorbellement) à Ougarit à la fin de l’âge du Bronze récent. Malheureusement, comme toutes les tombes de la cité, elle a été pillée après la chute du royaume. Elle ne contenait plus que des vases brisés en céramique locale ou importée, de la vaisselle de pierre (travertin, serpentinite) et quelques autres objets luxueux comme des pièces de céramique à glaçure.

La maison tire sa dénomination actuelle de textes mentionnant un certain Ourtenou. L’un d’entre eux est une conjuration destinée à protéger ce personnage contre les morsures de scorpions et de serpents. La présence de ce document, ainsi que celle de plusieurs lettres à caractère familial adressée à un destinataire de même nom, a incité les fouilleurs à nommer cette maison la « Maison d'Ourtenou ». Il s’y déroulait une activité exceptionnelle que l’on ne retrouve que dans peu de maisons d’Ougarit : celle des scribes qui ont écrit des centaines de tablettes, parfois pour le compte d’Ourtenou, et qui permettent de reconstituer l’économie du royaume, de son histoire et de ses relations avec les pays voisins.

La publication des fouilles de la « maison d’Ourtenou » est en cours, sous la responsabilité d’Yves Calvet. Y participent Anne-Sophie Dalix, Pierre Lombard, Sophie Marchegay, Valérie Matoïan, Béatrice Muller, Marielle Pic, Caroline Sauvage.

Bibliographie sommaire :
BORDREUIL (P.) & MALBRAN-LABAT (F.), 1995, « La maison d'Ourtenou à Ougarit. Découvertes de 1994 », C.R.A.I., Paris, p. 443-
BORDREUIL (P.) & PARDEE (D.), 1995, «  Un abécédaire du type sud-sémitique découvert en 1988 dans les fouilles archéologiques françaises de Ras Shamra-Ougarit », CRAI juillet-octobre 1995, p. 855-860.
BORDREUIL (P.) éd, 1991, Ras Shamra-Ougarit VII, Une bibliothèque au sud de la ville, Textes de 1973, avec la collaboration de B. André-Salvini, D. Arnaud, S. Lackenbacher, F. Malbran-Labat, D. Pardee, ERC-ADPF, Paris, 210 pages.
BORDREUIL (P.) et PARDEE (D.), 2008, « Découvertes épigraphiques anciennes et récentes en cunéiformes alphabétiques. De la bibliothèque de øoura◊anou aux archives d’Ourtenou », in M. Yon et Y. Calvet (dir.), Ougarit au Bronze Moyen et au Bronze Récent, TMO 47, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, p. 183-194.
BORDREUIL (P.), 2007, « Ugarit and the Bible: some elements from the Maison d'Ourtenou », The American Oriental Society, Midwest Regional Conference: « Ugarit at Seventy-five, its Environs and the Bible », Deerfield, Illinois ed. K. Lawson Younger Jr, Winona Lake, p. 89-99.
BORDREUIL (P.), 2007, « Ugarit and the Bible: some elements from the Maison d'Ourtenou », The American Oriental Society, Midwest Regional Conference: « Ugarit at Seventy-five, its Environs and the Bible », Deerfield, Illinois ed. K. Lawson Younger Jr, Winona Lake, p. 89-99.
MALBRAN-LABAT (F.) et LACKENBACHER (S.), 2006, « Ugarit et les Hittites dans les archives de la "Maison d'Urtenu" », S.M.E.A. XLVII, p. 227-240.
MALBRAN-LABAT (F.) et ROCHE (C.), 2007, « Ourtenou Ourteshoub », in J.-M. Michaud (dir.), Le royaume d’Ougarit de la Crète à l’Euphrate. Nouveaux axes de recherche, Actes du congrès international de Sherbrooke 2005, GGC éditions, p. 63-104.
MALBRAN-LABAT (F.) et ROCHE (C.), 2008, « Bordereaux de la "maison d’Ourtenou (Urt∂nu)". À propos de la gestion des équidés et de la place de cette maison dans l’économie palatiale », in M. Yon et Y. Calvet (dir.), Ougarit au Bronze Moyen et au Bronze Récent, TMO 47, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, p. 243-276.
Malbran-Labat (F.), 2008, « Catalogue raisonné des textes akkadiens de la maison d’Urtenu », in C. Roche (éd.), D’Ougarit à Jérusalem. Recueil d’études épigraphiques et archéologiques offert à Pierre Bordreuil (Orient & Méditerranée, 2), éditions de Boccard, Paris, p. 21-38.
YON (M.), 1995, « La Maison d'Ourtenou dans le quartier sud d'Ougarit (Fouilles 1994) », C.R.A.I., Paris, p. 427-443.
YON (M.), GACHET (J.) & LOMBARD (P.), 1987, « Fouilles de Ras Shamra-Ougarit 1984-1987 (44e-47e campagnes) », Syria 64, p. 171-191.
YON (M.), GACHET (J.), LOMBARD (P.) & MALLET (J.), 1990, « Fouilles de la 48e campagne (1988) à Ras Shamra-Ougarit », Syria 67, p. 1-29.

La céramique locale la maison d’Ourtenou
Marielle Pic

Le matériel retrouvé dans la maison d’Ourtenou ne diffère pas de celui qui avait déjà été largement répertorié et classifié par J.-Y. Monchambert ou J.-C. Courtois pour la période du Bronze récent 3.
Une grande quantité de tessons de céramique a été récoltée et sélectionnée par les fouilleurs dans l’ensemble des pièces et dans la tombe. Les caractéristiques de cette production sont une texture généralement plus grossière que toutes les céramiques importées (un dégraissant minéral plus abondant et plus épais), des couleurs plus communes (beige, chamois), souvent une cuisson en atmosphère réductrice puis oxydante ce qui donne le cœur gris de beaucoup d’entre elles et une surface souvent rugueuse et sans engobe. C’est une vaisselle à usage quotidien appellée par J.-Y. Monchambert  « céramique commune » et « céramique de cuisson ». Cependant, peu de « céramique de cuisson » a été mise au jour ou sélectionnée dans les pièces de la maison ; ce sont des marmites de cuisson à l’aspect très brun.
Les pièces les plus à l’ouest de la maison ont livré le matériel de céramique locale le plus abondant ; ces pièces semblent consacrées aux activités liées à l’eau autour du puits avec sa margelle ou encore des puisards : des petites cruches ou des jarres domestiques pour stocker ou puiser de l’eau ont été retrouvées.


Cratère peint en céramique locale de la maison d’Ourtenou (©Mission de Ras Shamra)

Dans un autre locus qui semble être une petite cour, une grande quantité d’assiettes, de bols et de plats ont été dégagés. D’autres lieux semblent avoir servi de réserves de stockage, de gros fragments de jarres en témoigneraient ; mais l’analyse précise de l’adéquation locus/matériel est en cours d’élaboration et ne pourra être claire qu’à la fin de l’étude du matériel céramique. D’autres formes de vases fermés ou ouverts sont attestées dans cette fouille : des jattes, de nombreuses lampes souvent noircies, des jarres domestiques ou de transport, des cratères et quelques exemplaires de vases miniatures ou de gourdes.

La fouille a révélé quelques rares exemplaires de céramique locale peinte : les mêmes techniques sont utilisées pour cette production particulière, sauf à la surface du vase qui bénéficie d’un traitement plus soigné : sur un engobe soigneusement réparti sur la surface, le potier applique sur la céramique des couleurs rouge-brun pour créer un décor souvent géométrique de bandes horizontales, verticales, obliques ou des treillis.


Dans la maison d’Ourtenou, nous n’avons observé que peu d’imitations locales de céramiques importées comme des « Milk-Bowl » ou des vases à étrier…
Le pourcentage de la production de céramique locale est d l’ordre de 90 %, alors que les céramiques importées de divers lieux ne représentent qu’environ 10 % des trouvailles archéologiques.


Les céramiques importées de la maison d’Ourtenou
C. Sauvage


Fragment de figurine mycénienne en Psi (RS 94.5078),
dessin Mission de Ras Shamra.

L’étude en cours des céramiques importées retrouvées dans la maison d’Ourtenou montre qu’elles sont représentatives des types déjà bien attestés à Ougarit au Bronze récent. L’assemblage est principalement constitué de céramiques chypriotes, parmi lesquelles la classe des milk bowls en White Slip Ware II et II-final est la plus nombreuse, viennent ensuite quelques bilbils et des bols en Base Ring Ware, ainsi que quelques bols en Monochrome Ware. Le nombre relativement élevé de White Slip Ware II-final de la maison et de la tombe vient confirmer une phase d’utilisation de la maison et de la tombe au moment de la fin du royaume d’Ougarit.
L’assemblage des céramiques mycéniennes est proche de celui retrouvé dans les autres maisons de la ville. Cependant, il faut noter un nombre élevé de grands vases, et surtout l’ensemble le plus important de cratères à chars retrouvés jusqu’ici dans une seule maison. En effet, sur une cinquantaine de ces vases connus à Ougarit, cinq exemplaires proviennent de la maison.


Ces cratères ont été retrouvés dans le secteur de la tombe et il se peut que leurs morceaux aient été dispersés au moment du pillage de celle-ci, car certains fragments d’un même cratère ont été retrouvés au cours du dégagement de différents loci. D’autres fragments de cratères à char proviennent des couches de destruction de la maison et étaient probablement entreposés à l’étage.
L’analyse fonctionnelle du matériel dans chaque locus est en cours. Elle permettra de replacer le corpus de la céramique importée dans l’ensemble du matériel de la maison, soit plus de 90% de céramiques locales.



Cratère mycénien (RS 94.9297+)
dessin Mission de Ras Shamra.

Photographie du même cratère mycénien,
(photographie C. Sauvage, Mission Ras Shamra).


Les sanctuaires de l'acropole : les temples de Baal et de Dagan
Olivier Callot
Bien que dégagés il y a déjà longtemps (1929 pour le sanctuaire de Baal et 1934 pour celui de Dagan), ces deux temples n’ont fait l’objet d’une étude architecturale approfondie que ces dernières années et leur publication est prévue pour bientôt.
Ces deux sanctuaires, édifiés sur la partie haute de la ville (acropole), sont voisins l’un de l’autre et présentaient une orientation, des plans et des élévations à peu près identiques. Les travaux qui y ont été menés semblent montrer qu’ils ont été construits durant la période dite de Bronze Moyen, au XIXe ou XVIIIe  siècle avant notre ère. Toutefois ils sont restés en activité jusqu’au Bronze Récent.
Leur organisation et leur fonctionnement devaient être à peu près les mêmes. Ils étaient placés dans une enceinte et, pour le temple de Baal, on trouve un autel extérieur édifié dans l’axe du temple. En ce qui concerne celui de Dagan, plus détruit, on ignore s’il y avait un autel du même type. On ajoutera en outre qu’il a existé, contre le temple de Dagan, un lieu de culte en plein air qui a précédé le temple que l’on voit aujourd’hui.
Les temples proprement dits comportaient trois parties principales. D’abord un vestibule assez bas (6 à 7 m) ouvrant par un porche à deux colonnes. Ce vestibule précédait un corps de bâtiment beaucoup plus haut (18 à 20 m) qui permet de ranger ces sanctuaires dans la catégorie dite des « temples – tours » . Ainsi, du vestibule, on passait dans une salle très haute aménagée dans la tour. Du côté est, une grande niche précédée d’une estrade devait abriter l’image de la divinité. Ces aménagements permettent alors d’interpréter cette salle comme le Lieu Saint de chacun des temples. Enfin, dans l’un et l’autre de ces temples, il a existé un réseau assez complexe d’escaliers qui permettait d’atteindre la terrasse qui surmontait la tour. On notera que l’escalier du temple de Dagan a été très habilement aménagé à l’intérieur même du mur nord ce qui représente une intéressante prouesse architecturale. Des textes nous précisent que des cérémonies et des sacrifices réservés au roi se déroulaient au sommet de la tour. C’est pourquoi, même en l’absence de vestiges architecturaux en place, on doit interpréter ces terrasses comme le Lieu très Saint de ces temples. Cet endroit était réservé au roi et, peut-être, à quelques hauts dignitaires. Du haut de cette tour, on pouvait contempler la ville mais aussi le mont Sapon (Djebel Aqra) qui, selon la tradition d’Ougarit, était l’endroit où se trouvait la demeure du dieu Baal. En outre, le fait que ce Lieu très Saint se trouvait au sommet de la tour permettait de s’élever en direction de la divinité invoquée.
Si ces temples présentent des similitudes frappantes du point de vue architectural, leur histoire n’a pas été exactement la même. Ils ont probablement été construits en même temps au XIXe ou au XVIIIe siècles . Au milieu du XIIIe siècle (Bronze Récent), un violent tremblement de terre  a complètement détruit la ville et c’est à ce moment que les deux temples ont dû s’effondrer. Un texte trouvé dans la maison d’Ourténou est une lettre adressée au roi Niqmadou d’Ougarit par l’administration du pharaon d’Egypte Merneptah qui lui annonce qu’on va envoyer différents matériaux pour le temple de Baal que le roi d’Ougarit fait construire. Il s’agit bien sûr de la reconstruction du temple dont la date peut alors être fixée avec une relative précision vers 1220 – 1210 avant notre ère. Bien que presque entièrement reconstruit, il semble que ce nouveau temple de Baal ait été une réplique à peu près exacte de celui du Bronze Moyen. Ceci paraît normal, puisque la liturgie n’avait certainement pas changé. Enfin, c’est vers 1180 que, comme le reste de la ville, le temple a été à nouveau détruit, définitivement cette fois ci.
Le temple de Dagan a lui aussi été détruit vers 1250. Toutefois, la fouille a montré que, contrairement à celui de Baal, il n’y avait là aucune trace d’effondrement correspondant à la destruction définitive du XIIe siècle. Ceci montre alors qu’il n’a pas été reconstruit après le tremblement de terre. Ses ruines avaient été soigneusement déblayées et il ne subsistait plus que son socle qui servait de terrasse sacrée comme en témoignent deux stèles inscrites en ougaritique trouvées lors de la fouille de 1934.


Le sondage de l’Acropole : le temple de Dagan
Michel Al-Maqdissi et Caroline Sauvage


Plan de l’acropole en 1935
(d’après Schaeffer 1936, pl. XXXVI)
En pointillés. zones fouillées en 2008


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L’acropole, partie la plus haute du tell, fut fouillée par C. Schaeffer lors de ses premières campagnes sur le terrain entre 1929 et 1937. Dans ce secteur, C. Schaeffer dégagea, entre autres, deux temples-tours de plan similaire et ouverts au sud (temples de Baal et temple de Dagan), dont l’état actuellement visible date de la fin du Bronze récent (xiiie siècle avant J.-C). Ces deux temples, distants d’une cinquantaine de mètres, étaient reliés l’un à l’autre par deux rues est-ouest qui délimitaient un îlot d’habitation.
Ces deux édifices sont probablement contemporains ; cependant, la date de leur fondation est encore débattue. C. Schaeffer proposait une date de fondation remontant au Bronze moyen et plus précisément au début du IIe millénaire (xixe-xviiie siècle avant J.-C.), principalement sur la base du matériel sorti de ses fouilles ainsi que d’après l’aspect des fondations en glacis du temple de Dagan. Précisons ici que C. Schaeffer, lorsqu’il a fouillé à l’intérieur du temple de Baal, a percé les niveaux du Bronze récent, mais qu’il n’est cependant pas arrivé partout à la base des fondations. O. Callot, dans son étude récente du secteur, propose également une datation similaire, qui se base sur le matériel retrouvé d’une part lors de l’ancienne fouille du temple de Baal (fragments de statues égyptiennes de la XIIe dynastie) et d’autre part sur le matériel retrouvé dans des sondages réalisés récemment dans les temples. Cependant, une date de fondation au début du Bronze récent, autour du xve siècle avant J.-C. peut aussi être envisagée. En effet, la tranchée effectuée par C. Schaeffer, à l’est du temple de Baal a montré qu’au moins une partie de l’acropole du Bronze moyen était occupée par une nécropole qui s’étendait probablement à l’est, peut-être jusque sous la « maison du grand prêtre ». Il est alors possible que l’acropole d’Ougarit n’ait été occupée que par cette nécropole jusqu’aux remaniements de son urbanisme, peut-être au début du Bronze récent.

Dans le cadre d’une opération conjointe, la mission syro-française de Ras-Shamra a décidé de s’intéresser à cette question. Le but de l’opération est donc de comprendre la fondation et l’implantation des temples dans le paysage urbain. Encadraient-ils, au Bronze moyen, la nécropole d’Ougarit ? Ont-ils été fondés sur cette nécropole après son abandon, à un moment où le secteur fut urbanisé ? Sont-ils contemporains de la construction de l’îlot qui les sépare ?

Bibliographie :
Callot O., 2007, « les temples de Ras Shamra – Ougarit, rapport sommaire », dans Al-Maqdissi M., Bahloul K., Calvet Y., Callot O. Matoïan V. et Sauvage C., « Rapport préliminaire sur les activités de la myssion syro-française de Ras Shamra-Ougarit en 2005 et 2006 (65e et 66e campagnes) », Syria 84, p. 33-56.
Callot O., Les sanctuaires de l’acropole d’Ougarit, les temples de Baal et de Dagan, à paraître.
Sauvage C., « le sondage de l’acropole » ; dans Al-Maqdissi M., Bahloul K., Calvet Y., Geyer B., Goiran J.-P., Marriner N., Onnis F., Matoïan V. et Sauvage C., « Rapport préliminaire sur les activités de la myssion syro-française de Ras Shamra-Ougarit en 2007 et 2008 (67e et 68e campagnes) », Syria 86, à paraître.
Schaeffer C.F.A., 1929, « Les fouilles de Minet el-Beida et de Ras-Shamra, (campagne du printemps 1929) rapport sommaire », Syria, 10, p. 285-297.
Schaeffer C.F.A., 1931, « Les fouilles de Minet el-Beida et de Ras-Shamra, deuxième campagne (printemps 1930) rapport sommaire », Syria, 12, p. 1-14.
Schaeffer C.F.A., 1932, « Les fouilles de Minet el-Beida et de Ras-Shamra, troisième campagne (printemps 1931) rapport sommaire », Syria, 13, p. 1-27.
Schaeffer C.F.A., 1933, « Les fouilles de Minet el-Beida et de Ras-Shamra, quatrième campagne (printemps 1932) rapport sommaire », Syria, 14, p. 93-151.
Schaeffer C.F.A., 1934, « Les fouilles de Ras-Shamra, cinquième campagne (printemps 1933) rapport sommaire », Syria, 15, p. 105-135.
Schaeffer C.F.A., 1935, « Les fouilles de Ras-Shamra, sixième campagne (printemps 1934) », Syria, 16, p. 141-176.
Schaeffer C.F.A., 1936 « Les fouilles de Ras Shamra-Ugarit, 7e campagne (printemps 1935) », Syria, 17, p. 125-154.
Schaeffer, C.F.A., 1956, Ugaritica III, Paul Geuthner, Paris.
Yon M., 1997, La cité d’Ougarit sur le tell de Ras Shamra, ERC.


La Maison dite de Yabninou ou Palais sud d’Ougarit
V. Matoïan et M. Al-Maqdissi
L’étude de la Maison de Yabninou est une nouvelle opération conjointe de la mission archéologique syro-française de Ras Shamra, entreprise en 2009 sous la responsabilité de V. Matoïan et M. Al-Maqdissi.
Elle s’inscrit dans un programme de plus grande envergure dont l’objectif est d’approfondir l’approche sociologique de la cité d’Ougarit. Dans cette optique, la mission a envisagé de reprendre l’étude des « grandes demeures d’Ougarit » ayant livré une bibliothèque, en vue d’une publication définitive et collective associant étroitement l’étude architecturale, l’étude des textes et l’étude des objets. En effet, aucune des « grandes demeures », fouillées anciennement, n’a fait l’objet d’une étude détaillée exhaustive.

En 2009, le dossier du Palais Sud ou Maison dite de Yabninou a été repris. Cette maison, fouillée à partir de 1955, avait fait l’objet d’une première étude de J.-C. Courtois publiée en 1990. Cette étude est fondée pour une grande part sur l’étude des textes mis au jour dans la demeure. Aucune étude architecturale n’a été publiée ; de même, à l’exception des textes, seuls quelques objets provenant de cette maison sont étudiés dans les rapports préliminaires.
Cette demeure, d’une superficie d’environ 1000 m2, est particulièrement intéressante en raison de sa localisation – elle jouxte le Palais royal – et des archives qui y ont été retrouvées, qui permettent d’aborder la question essentielle de l’identité culturelle dans cette ville cosmopolite qu’est Ougarit.

Ce programme conjoint, qui devrait se dérouler sur trois années, comprend plusieurs opérations. La première de ces opérations concerne la fouille : il s’agit de terminer le dégagement du bâtiment et de mener à bien l’étude architecturale. Ce travail a été mené par Y. Kanhouch ce printemps 2009.

De nombreux restes d’enduits muraux sont conservés dans ce bâtiment. Dans la mesure où aucune étude détaillée n’a été menée à ce jour sur les enduits muraux dans l’architecture d’Ougarit, la mission a effectuée ce printemps une dizaine de prélèvements afin que soient réalisées des analyses en laboratoire.



Plan schématique de la Maison dite de Yabninou
(d’après M. Yon 1997)


Vue des loci 212 et 210 (arrière-plan)
depuis le Sud vers le Nord, Maison dite de Yabninou


Détail du plan de la Maison dite de Yabninou
publié par J.-C. Courtois (Syria 1990)
.

Dans deux loci – 216 et 219, la fouille a été de plus grande envergure. D’après les rapports préliminaires du fouilleur, de nombreux vases en céramique avaient été retrouvés dans ces deux espaces, dont des vases de stockage de grandes dimensions comme l’indiquait le plan publié dans Syria 1990.
De fait, ces vases n’avaient été que partiellement dégagés par le fouilleur et laissés in situ. Afin d’assurer leur protection, le fouilleur les avait recouverts de terre. Le dégagement de ces pithoï a été une opération délicate et de longue haleine. Les terres présentes à l’intérieur des récipients les mieux conservés ont été en partie conservées afin que puissent être effectuée lors de la prochaine campagne une opération de flottation. Nous espérons que ce travail nous permettra d’obtenir des macrorestes nous renseignant sur le contenu des pithoi.


Dans la partie méridionale du chantier, les travaux de cette année ont clairement montré que la demeure de Yabninou n’a pas été intégralement dégagée. En effet, au sud du locus 229 se trouve un autre locus qui, comme le montre l’analyse de l’architecture, faisait partie de la Maison de Yabninou. Cet espace n’a été que très partiellement dégagé par J.-C. Courtois. Son dégagement sera l’un des objectifs de la prochaine campagne.

Ce travail sur le terrain viendra compléter celui déjà réalisé, en 1995, par Sophie Marchegay sur les deux tombes du bâtiment.

Une autre étape de ce programme est l’étude de l’ensemble des objets, mis au jour dans cette demeure, par les différents spécialistes de la mission, travaillant dans les domaines de la céramique, de la métrologie, de l’ivoirerie, des matériaux vitreux, de l’archéozoologie, de l’épigraphie... Ces objets sont pour l’essentiel conservés au Musée national de Damas.

Vue des pithoi in situ dans le locus 216
de la maison dite de Yabninou


Références bibliographiques :
CALVET (Y.) 1981, « Installations hydrauliques d’Ugarit », L’Homme et l’eau, I, Lyon, p. 40-42.
COURTOIS (J.-Cl.), 1979, « Ras Shamra : Archéologie » Supplément au Dictionnaire de la Bible, Paris, col. 1234-1240.
COURTOIS (J.-C.) 1990, « Yabninu et le palais sud d’Ougarit », Syria, 67, p. 103-142.
Schaeffer (C.F.-A.) 1962, « Fouilles et découvertes des XVIIIe et XIXe campagnes, 1954-1955 », in C.F.‑A. Schaeffer (éd.), Ugaritica IV, Geuthner, Paris, p. 121-148.
YON (M.) 1997, La cité d'Ougarit sur le tell de Ras Shamra, Paris, p. 61-64.


La région à l'est du palais royal dite « Quartier Résidentiel »
Olivier Callot
On précisera d’emblée que cette région n’est pas un quartier à proprement parler, mais un secteur de la ville dont les limites ont été arbitrairement établies par les fouilleurs des années 50-60. Quant à l’appellation « résidentiel », elle n’est pas non plus adaptée puisque, comme il est essentiellement occupé par des maisons, il est résidentiel par essence.
Nous avons pu isoler là huit îlots ou portions d’îlots séparés par un réseau assez dense de rues dont le tracé doit correspondre à un urbanisme plus ancien. On mentionnera aussi deux (peut-être trois) petites places. À l’intérieur de ces îlots, nous avons pu isoler une trentaine de maisons ou portions de maisons dont certaines, placées en bordure de fouille, sont très incomplètes et difficile à délimiter. Il existe aussi deux bâtiments, pour le moment énigmatiques, qui ne sont certainement pas des maisons.
Du point de vue chronologique, ce secteur illustre parfaitement les trois grandes périodes qui ont marqué la fin du Bronze Récent à Ougarit. Les deux premières sont séparées l’une de l’autre par le séisme qui a durement touché la ville au milieu du XIIIe siècle et on remarquera sans surprise que c’est la période II qui est la mieux représentée. À ces dernières, on ajoutera une troisième phase (période III) correspondant à une occupation d’une partie des ruines de la cité après la destruction finale au début du XIIe siècle.
Il est difficile d’établir une typologie rigoureuse des maisons car elles ont chacune vécu une histoire relativement compliquée et souvent différente. On peut cependant évoquer les principaux types que nous avons rencontrés.
  • Les maisons de la période I qui ont été reconstruites à la suite du séisme avec quelques modifications mineures
  • Les maisons de la période I qui ont été agrandies lors de leur reconstruction à la période II.
  • Les maisons de la période I qui ont été divisées à la période II.
  • Les maisons de la période I qui n’étaient pas reconstruites au moment de la destruction finale.
  • Les maisons de la période I en cours de reconstruction à la période II et qui étaient inachevées lors de la destruction finale.
  • Les maisons entièrement construites à la période II.
  • Les maisons de la période II restées inachevées au moment de la destruction finale.

Pour la période III, quelques petites maisons dispersées ont été aménagées dans des ruines encore utilisables. À d’autres endroits, ce ne sont que de simples enclos pour des animaux.

L’organisation interne de la plupart de ces maisons est, en général, assez banale et conforme à ce que nous connaissons déjà. Au rez-de-chaussée, le secteur de l’entrée est composé d’un vestibule, d’un point d’eau (puits) et presque toujours d’un escalier sous lequel se trouvaient les latrines. Ces différentes composantes peuvent se trouver dans une même pièce ou dans des locaux séparés. Un secteur de « réception », dominé par une salle principale et des pièces annexes. Les puits de lumière et d’aération sont présents partout ; on peut même en trouver deux. À quelques exceptions près les maisons de ce secteur possèdent un caveau funéraire. On a aussi identifié dans une (peut-être deux) maison ce qui pourrait être un petit jardin privé.
Il paraît assuré que toutes ces maisons possédaient un étage. L’existence d’un second niveau n’est pas encore résolue, mais il faudra probablement l’envisager pour certaines demeures.
Enfin la question des cuisines doit être posée. Dans aucune maison, il n’existe un local adapté à cette activité (absence totale de fours) et l’hypothèse de cuisines situées à l’étage et même au niveau de la terrasse doit sérieusement être envisagée.
Aussi, même si l’organisation de ces maisons paraît assez claire, il est encore difficile d’attribuer une fonction bien définie aux différents locaux, ce qui permettrait de mieux préciser les activités de leurs propriétaires (sauf peut-être pour les maisons dites de Rapanou ou de Rashapabou qui ont livré des archives). Il faut aussi reconnaître que le matériel retrouvé par les fouilleurs ne nous est pas d’un grand secours.

Il existe enfin, dans ce « quartier »,  des bâtiments particuliers que, pour le moment, nous n’expliquons pas ; nous en connaissons trois. Le premier dépend d’une maison ordinaire (maison dite « au portique ») dont l’aile sud est formée par une très grande salle bordée sur ses deux côtés par des petites pièces. Les deux autres (dont le bâtiment dit « au vase en pierre ») comportent une grande salle et un petit corps de bâtiment avec un escalier.


Les roches de construction d'Ougarit : production, façonnage, mise en oeuvre
Jean-Claude Bessac

En 2008 a été entreprise une étude sur les matériaux et les techniques de construction en pierre employés sur le site d'Ougarit, complétée par l'étude des carrières anciennes localisées autour du site. Ces informations ont été complétées par l'observation de l'outillage de bronze provenant d'Ougarit et exposé dans les musées de Lattaquié et de Damas.

Bibliographie :
. Bessac J.-C., 2007, "Étude des techniques de taille dans l'architecture d'Ougarit : le pont-barrage sur le Nahr ed-Delbé, in Syria 87, p. 32-33.
. Bessac J.-C., "La construction en pierre à Ougarit", in Syria, à paraître.
. Bessac J.-C., à paraître (2012), "Les roches de construction d'Ougarit : production, façonnage, mise en œuvre", in V. Matoïan (éd.), Études ougaritiques III.


Les prospections géophysiques réalisées sur le tell de Ras Shamra
Christophe Benech

Les prospections géophysiques réalisées sur le tell de Ras Shamra ont été réalisées dans le cadre du projet ANR PROGECESA « Prospection géophysique et étude des centres urbains de la Syrie antique » en collaboration avec la mission franco-syrienne de Ras Shamra. Les prospections magnétiques réalisées en 2008 avaient montré que le contraste entre les structures et le remplissage n’était pas suffisant pour obtenir une image claire de l’organisation urbaine d’Ugarit.


Prospection radar en cours. Le système est composé de deux antennes, une émettrice et une réceptrice qui sont tirés le long de profils réguliers espacés de 25 cm. Une roue codeuse enregistre automatiquement la distance entre chaque point de mesure, espacés de 10 cm.

Ceci était dû à la grande densité de pierre contenue dans le sol et dont la réponse magnétique approchait celle des murs.

En 2009, la méthode magnétique a été abandonnée au profit d’une prospection radar afin de voir si par cette méthode il était possible de mettre en évidence des contrastes plus importants. La capacité du radar a pouvoir différencier les structures archéologiques à différentes profondeurs pouvait en outre laisser espérer la découverte de niveaux antérieurs. Malheureusement le sous-sol du tell d’Ugarit s’est révélé être extrêmement conducteur, empêchant la pénétration en profondeur des ondes radar.

Les prospections réalisées à divers endroits du site ont donné le même résultat, et l’essentiel de l’information collectée concerne essentiellement les 50 premiers centimètres. L’exploitation  et l’interprétation des données radar demandent beaucoup de temps et les résultats définitifs ne seront connus que dans quelques mois.


Géoarchéologie des ports du royaume d'Ougarit
Bernard Geyer, Jean-Philippe Goiran, Michel al-Maqdissi, Nick Marriner, Xiao Huang


Le site d’Arab el-Moulk, au débouché du Nahr el-Sin
(image © Google Earth, infographie N. Marriner).

En 2008 a débuté un programme conjoint syro-français visant à reconstituer l’évolution des paléoenvironnements portuaires, en se fondant sur les archives sédimentaires piégées dans les bassins ou dans les abris côtiers de sites du littoral syrien. Une première mission nous a permis de nous rendre sur les principaux ports antiques de Syrie au nord du Nahr el-Sin.
Du nord vers le sud, quatre sites portuaires de l’ancien royaume d’Ougarit – Ras el-Bassit, Ras Ibn Hani, Tell Soukas et Arab el-Moulk – ont été observés grâce aux autorisations fournies par la DGAM et sélectionnés pour l’étude.  (Nous remercions tout particulièrement MM. Massoud Badawi et Jamal Haydar pour leur aide efficace)

L’objectif était le repérage de sites favorables à la réalisation de carottages, débutés en 2009, qui devraient nous permettre de localiser les bassins portuaires antiques et de définir leur extension au cours des âges, et par là d’identifier les abris côtiers ayant servi de ports, plus ou moins aménagés.
Fondée sur une démarche pluridisciplinaire qui croise l’approche archéologique et l’analyse paléoenvironnementale, l’étude combinera l’analyse bio- et chronostratigraphique des sédiments récoltés, les observations archéologiques et géomorphologiques, et l’interprétation de photographies aériennes et d’images satellitales.


L’étude doit nous permettre de mettre en évidence les paléodynamiques littorales et la mobilité des rivages, de comprendre les processus de mise en place des dépôts, de caractériser une éventuelle exploitation intensive des terres par des variations dans les flux sédimentaires, de mettre en évidence d’éventuelles pollutions liées par exemple à des activités métallurgiques, et enfin d’apporter des informations sur la nature des sols, des paysages végétaux et de leur évolution. Elle doit aussi nous permettre d’écrire une « histoire stratigraphique » des impacts de l’anthropisation sur ce littoral, sur la longue durée.


Etude du matériel des premières fouilles de C.F.A. Schaeffer conservé au Musée d'archéologie nationale de Saint-Germain en Laye.
Caroline Sauvage

L’étude de la collection archéologique conservée dans le département d’archéologie comparée du musée de Saint-Germain-en-Laye a commencé en juin 2008, grâce à une bourse de la fondation Leon Levy Shelby White (Leon Levy Shelby White Grant for Archaeological Publication, 2008-2011).


Étiquettes rédigées par C. Schaeffer (© C. Sauvage)

Le matériel provient des premières campagnes de fouilles de C.F.A. Schaeffer sur les sites de Ras Shamra et de Minet el-Beida (principalement entre 1929 et 1933) et a été déposé au musée par le fouilleur lorsqu’il y était conservateur.
La collection est surtout composée de céramiques importées mais aussi de quelques céramiques locales, d’objets en faïence, ivoire, bronze, argent et pierre. La plupart de ces objets ont un contexte archéologique clairement identifié, qui va permettre de reconstituer des assemblages, principalement des tombes. Les objets proviennent, entres autres, des tombes II, III, IV et VI de Minet el-Beida, et des tombes II, III, IV et V de Ras Shamra. Seule une partie du mobilier funéraire de ces sépultures est conservée au musée, le reste du matériel ayant été partagé entre le musée du Louvre et les musées syriens de Damas, Alep et Lattaquié.

Jarre à étrier mycénienne de la tombe III
de Minet el Beida (MAN 76873.01)
(© C. Sauvage – Mission de Ras Shamra)


Cruche du type 2b (Sjöqvist) en Base Ring Ware II du dépôt 213 de Minet el-Beida (MAN 76679)
( © C. Sauvage – Mission de Ras Shamra).

L’objectif de ce programme est la publication du catalogue exhaustif de la collection, qui intègrera une réflexion sur le contexte de découverte du matériel à partir des cahiers de fouille inédits de Schaeffer et des études récentes.


Cette remise en contexte permettra non seulement de proposer un état de nos connaissances sur les différentes zones dont le matériel provient et pourra aussi améliorer notre connaissance des fouilles anciennes effectuées sur le site.

Ce projet, qui inclue plusieurs spécialistes, va se dérouler sur deux ans et demi, à l’issu desquels la publication de la collection sera proposée. La liste actuelle des participants à ce projet en 2008-2009 est :
- A. Caubet (vases en pierres, Musée du Louvre - mission Ras Shamra),
- C. Chary (photographies, photographe archéologique indépendante),
- S. Cluzan (sceaux cylindres et cachets, Musée du Louvre - mission RS),
- E. Coqueugniot (lithique, UMR 5133 Archéorient, CNRS - Université Lyon 2 - mission RS),
- E. Devidal (dessins, dessinatrice indépendante - mission RS),
- E. Dardaillon (objets en métal, UMR 5133 Archéorient, CNRS - Université Lyon 2 - mission RS),
- C. Lorre (histoire de la collection, Musée d’Archéologie National de Saint-Germain-en-Laye),
- S. Marchegay (description des tombes et contexte du matériel funéraire, Musée de Tempico - mission RS),
- V. Matoian (matières vitreuses, UMR 5133 Archéorient, CNRS - Université Lyon 2 - mission RS),
- V. Renson (géologue – analyses des céramiques chypriotes, Vrije Universiteit Brussel),
- C. Sauvage (responsable du projet, céramiques – contexte du matériel, UMR 5133 Archéorient, CNRS - Université Lyon 2 - mission RS).



Le mobilier du Palais royal d’Ougarit
Valérie Matoïan

Ougarit, capitale d’un royaume levantin du même nom, représente l’un des sites de référence pour l’étude de la civilisation urbaine et palatiale de l’âge du Bronze en Syrie, et le Palais royal appartient à l’un des complexes palatiaux les plus importants du Proche-Orient pour cette période.
État modeste mais prospère du Proche-Orient, Ougarit est l’un des royaumes syriens de l’âge du Bronze récent les mieux connus, grâce notamment à la découverte de nombreuses archives. Occupant une situation privilégiée sur la côte méditerranéenne, Ougarit eut une histoire qui fut successivement liée à celle des grands royaumes de l’époque : le Mitanni, l’Égypte, le Hatti. À partir de 1350 av. J.-C., Ougarit resta sous la domination hittite jusqu’à sa destruction au début du XIIe siècle av. J.-C. Les données archéologiques et textuelles nous livrent l’image d’un royaume florissant au carrefour des voies de circulation internationales, entre Méditerranée orientale, Anatolie, Syrie intérieure et Mésopotamie.
L’un des programmes de recherche de la mission archéologique syro-française de Ras Shamra, réalisé sous la responsabilité de V. Matoïan, porte sur l’étude des objets mis au jour dans le complexe palatial de l’antique cité d’Ougarit (Syrie) à l’âge du Bronze récent.
Ce programme constitue également une opération spécifique au sein de l’Unité mixte de recherche 5133 (Archéorient : environnements et sociétés dans l’Orient ancien) du Centre national de la recherche scientifique. Il a été entrepris en parallèle à l’étude architecturale du secteur palatial entreprise antérieurement par J.-Cl. Margueron et O. Callot. Ces deux opérations viennent pallier l’absence de publication définitive de la fouille du complexe palatial d’Ougarit menée, au cours du XXe siècle, par l’inventeur du site. En 1955, Cl. Schaeffer annonçait, dans l’introduction du volume III de la série Le Palais royal d’Ugarit (abrégé PRU), que, dans le premier volume « en préparation, seront présentés l’histoire du bâtiment, son organisation, ainsi que les objets et meubles qui furent retirés des ruines » et que l’architecture serait décrite par M.W. Forrer dans un sixième et dernier volume. Ces deux volumes n’ont pas vu le jour et seuls sont parus les ouvrages consacrés à l’édition des textes mis au jour dans l’édifice.

Le programme sur le mobilier du Palais royal fait intervenir des membres de la mission qui ont la responsabilité d’études thématiques générales portant sur les découvertes faites sur l’ensemble du tell, dont celles de l’édifice palatial ; leurs travaux s’inscrivent naturellement dans cette recherche pluridisciplinaire. D’autres chercheurs ont accepté de rejoindre l’équipe sur des études spécifiques.
Le matériel fait l’objet d’une approche archéologique, philologique, historique et sociologique. Les principales questions abordées sont l’établissement d’un inventaire précis, la reconnaissance des spécificités de mobilier palatial, l’étude de sa « dimension sociale », la datation des objets, l’étude des contextes de découverte et celle des associations d’objets.
La recherche est fondée, d’une part, sur l’étude directe des objets et des textes et, d’autre part, sur l’exploitation des publications et des archives de la mission (inventaires, notes de fouille, photographies, plans...). L’approche se veut exhaustive. L’identification précise, par des spécialistes, des matériaux et des objets est l’un des objectifs. Dans certains cas, l’aide du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France a été précieuse. Ce travail a d’ores et déjà permis des mises au point indispensables, notamment pour les roches, les vestiges de faune et les matières vitreuses, ainsi que de nouvelles lectures de textes apportant, en autres, des données d’ordre historique.
Il a été nécessaire d’entreprendre, en parallèle, une analyse critique de la documentation qui est ancienne. L’objectif n’est en aucun cas de critiquer, de manière négative, ce qui a été réalisé par nos prédécesseurs, mais de présenter, le plus objectivement possible, un tableau précis de la documention disponible, afin que l’on puisse se rendre compte de l’acquis, des manques, des développements et des limites d’une étude sur le mobilier du Palais royal.

Le programme, de longue haleine, est en cours de réalisation. Une première publication, préliminaire, est parue en 2008 à la suite d’une table ronde organisée à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée en décembre 2005 :
MATOIAN (V.) (dir.), 2008, Le mobilier du palais royal d’Ougarit, RSO XVII,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, 392 p.


Les ors du palais royal d'Ougarit
Francesca Onnis
Dans le cadre du programme de recherche sur le mobilier du palais royal d’Ougarit (resp. V. Matoïan), destiné à la publication du matériel des fouilles anciennes de Cl. Schaeffer, s’insère l’étude de l’orfèvrerie, commencée à l’automne 2008. Les objets en or sont pour l’essentiel conservés au musée national de Damas et proviennent de différents secteurs du palais royal. Leur inventaire a d’ors et déjà montré que la collection est plus riche et variée que ne le montre la seule lecture des rapports préliminaires du fouilleur.

Placage ajouré en or (probablement pour meubles) en forme d’aile, provenant du palais royal d’Ougarit.
(© V. Matoïan – Mission de Ras Shamra).

Deux principales catégories d’objets sont représentées : les placages ornementaux et les bijoux.
Les placages étaient destinés à embellir des supports faits dans un autre matériau, plus ou moins précieux : bois, ivoire, ou métal moins noble. D’après les dimensions conservées des pièces, on peut supposer que ces placages étaient appliqués soit sur des petits objets, soit sur des objets de dimensions plus conséquentes, comme des meubles.

Les placages étaient découpés dans des feuilles d’or obtenues par martelage et leurs aspects de même que leurs modes de fixation étaient variés. Ils pouvaient recouvrir les objets, partiellement ou dans leur totalité. Sous forme de plaques, ils étaient fixés sur des surfaces planes et parfois encadrés. Quelques plaques présentent un décor ajouré, comme on peut l’observer sur la plaque en forme d’aile de la photographie. Certains placages portent des décors. Les motifs ornementaux sont obtenus par un travail combinant ciselure et repoussé.

Les bijoux en or du palais royal sont, eux aussi, de divers types : pendentifs, perles, mais aussi boucles d’oreilles, bagues… Les perles sont majoritaires. Elles sont tantôt entièrement en or, tantôt le métal précieux est façonné pour permettre la suspension d’une perle en pierre. Il semble y avoir aussi des ornements de tissus ou de vêtements, comme des pendeloques et des boutons.
Certaines pièces de la collection sont remarquables, comme une petite figurine très originale, en forme de faucon, exécutée avec grande finesse.

Les objets en or du palais royal sont fabriqués au moyen de procédés divers. Néanmoins, il faut remarquer une nette préférence pour le travail des feuilles d’or par martelage, la feuille d’or pouvant être employée non seulement pour des placages, ce qui est peu étonnant, mais aussi pour nombre de bijoux. Par ailleurs, une série de détails techniques sont communs à plusieurs types d’objets. Ceci confère une forte unité technique pour une large part de la collection et laisse penser à une même production artisanale, très probablement le fruit de la tradition locale ougaritaine.



Le verre à Ougarit
Valérie Matoïan
Le verre fait son apparition au Proche-Orient dès le IIIe millénaire av. J.-C. Jusqu’au milieu du millénaire suivant, son utilisation est restreinte pour l’essentiel à la fabrication d’éléments de parure. C’est à partir de l’âge du Bronze récent que la production verrière connaît un réel développement avec l’apparition de nouvelles techniques de mise en œuvre, une diversification des formes et de la palette colorée. Jusqu’à présent, le verre proche-oriental de cette période n’a fait l’objet que d’un nombre limité d’analyses archéométriques. Dans bien des cas, les découvertes archéologiques (contrairement à celles faites en Égypte) se prêtent peu, en effet, à ce type d’approche car les matériaux sont généralement dans un mauvais état de conservation.

Perles en verre translucide,
Bronze récent, Ras Shamra - Ougarit (Musée de Lattaquié) (© V. Matoïan)

Les fouilles menées depuis 1929 sur le site de l’antique cité d’Ougarit, localisé sur la côte syrienne, et sur celui de son port à Minet el-Beida, ont permis de mettre au jour l’un des corpus d’objets en verre du Bronze récent les plus importants du Proche-Orient. On dénombre environ un millier de pièces. Le verre qui a servi à les façonner est aujourd’hui très altéré.
Toutefois, au sein de ce corpus, figure un ensemble exceptionnel de perles dont l’état de conservation a permis de réaliser un programme d’analyses en laboratoire. Ces perles (environ deux cents) ont été retrouvées groupées, déposées dans un vase en céramique. La découverte, faite au cours de fouilles récentes (Centre de la Ville), est bien documentée d’un point de vue archéologique et particulièrement intéressante puisque nous sommes en présence d’un ensemble clos. De plus, le nombre élevé d’objets a permis d’opérer un échantillonnage représentatif.

Un programme pluridisciplinaire international a été engagé en 2007 afin de préciser la composition chimique des différentes familles de verres et d’en retrouver l’origine. Les partenaires de la Mission archéologique syro-française de Ras Shamra-Ougarit sont : la Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie (DGAMS), le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, UMR171 du CNRS, l’UMR 5133 Archéorient du CNRS – Université Lumière Lyon 2 (Maison de l’Orient et de la Méditerranée), l’Université de Nottingham, Département d'archéologie, et le British Geological Survey.
48 échantillons ont été sélectionnés et exportés avec l’autorisation de la DGAMS. Pour caractériser les compositions chimiques élémentaires des verres, deux techniques différentes, non destructives, ont été utilisées au C2RMF : des analyses par faisceaux d’ions (PIXE, PIGE) mises en œuvre sur l’accélérateur de particules AGLAE et la microspectrométrie Raman pour compléter les données chimiques par des informations structurales. Pour les analyses isotopiques, les rapports isotopiques du strontium et du néodyme seront mesurés par TIMS (thermal ion mass spectrometry) au laboratoire NERC du British Geological Survey.

Il s’agit de verres sodo-calciques. La plupart des verres sont monochromes et translucides. La palette colorée est large : vert, bleu turquoise, bleu soutenu, ambre clair et foncé, violet, et on observe également des verres incolores. Quelques spécimens sont opaques (jaune, bleu, vert, turquoise). L’ensemble comprend aussi des perles décorées : décor rubané ou décor de pois. Le verre utilisé pour ces motifs décoratifs est translucide ou opaque, avec l’emploi de couleurs rares comme le rouge.

Ce programme apporte des données nouvelles sur le verre au Proche-Orient et en Méditerranée orientale à la fin de l’âge du Bronze. Une première présentation des résultats (à paraître) a été donnée lors du 18e Congrès de l’Association Internationale pour l'Histoire du Verre, à Thessalonique (20-25 septembre 2009).
Ce travail vient de plus compléter nos connaissances sur les matières vitreuses à Ougarit qui ont déjà fait l’objet de plusieurs études archéométriques au C2RMF (voir bibliographie ci-dessous), menées d’une part par A. Kaczmarczyk et d’autre part par A. Bouquillon et V. Matoïan (sur les faïences, le « bleu égyptien » et les céramiques argileuses à glaçure).

Les chercheurs extérieurs à la mission d’Ougarit collaborant à ce programme sont : Isabelle BIRON (C2RMF), Julian HENDERSON (Université de Nottingham), Jane EVANS (British Geological Survey).

Bibliographie :
BOUQUILLON A., MATOÏAN V., 1998, « Deux perles syriennes en "bleu égyptien" : savoir-faire local ou matériau importé ? », Techne, 7, p. 21-22.
BOUQUILLON A., MATOÏAN V., 2007, « Les emplois du bleu égyptien à Ougarit », in A. Bouquillon, A. Caubet, A. Kaczmarczyk et V. Matoïan, Faïences et matières vitreuses de l'Orient ancien, éditions Snoeck - Musée du Louvre éditions, Gand-Paris, p. 39-40.
BOUQUILLON A., MATOÏAN V., 2007, « Les faiences à glaçure monochrome bleu-gris d’Ougarit (Syrie) », in J.-P. Goyon et C. Cardin (éds), Actes du Neuvième Congrès International des Égyptologues (Grenoble, 2004), Orientalia Lovaniensia Analecta 150, Leuven – Paris – Dudley, MA, p. 207-220.
CAUBET A., KACZMARCZYK A., 1987, « Bronze Age Faience from Ras Shamra (Ugarit) », in M. Bimson et I.C. Freestone (eds), Early Vitreous Materials, BMOP, 56, Londres, p. 47-56.
KACZMARCZYK A., 2007, « Méthodes d’analyse. Caractérisations des compositiopns en fonction des époques et des régions », in A. Bouquillon, A. Caubet, A. Kaczmarczyk et V. Matoïan, Faïences et matières vitreuses de l'Orient ancien, éditions Snoeck - Musée du Louvre éditions, Gand-Paris, p. 17-27.
MATOÏAN V., 2000, Ras Shamra-Ougarit et la production des matières vitreuses au Proche-Orient au second millénaire avant Jésus-Christ. Paris (thèse de l’université de Paris I Pantéon-Sorbonne, inédite).
MATOÏAN V., 2000, « Données nouvelles sur le verre en Syrie au IIe millénaire av. J.-C. : le cas de Ras Shamra-Ougarit », in M.-D. Nenna (éd.), Les ateliers de verriers : découvertes récentes, table-ronde de la Maison de l'Orient Méditerranéen à Lyon, 24 octobre 1997, p. 57-82.
MATOÏAN V., 2002-2003, « Matières vitreuses au royaume d’Ougarit », Annales Archéologiques Arabes Syriennes, p. 153-162.
MATOÏAN V., 2007, Notices des œuvres provenant de Jéricho, Lachish, Tell el Far’ah et Ougarit, in A. Bouquillon, A. Caubet, A. Kaczmarczyk et V. Matoïan, Faïences et matières vitreuses de l'Orient ancien, éditions Snoeck - Musée du Louvre éditions, Gand-Paris, p. 200-246.
MATOÏAN V., BOUQUILLON A., 1999, La céramique argileuse à glaçure du site de Ras Shamra-Ougarit (Syrie), Syria, 76, p. 57-82.
MATOÏAN V. et BOUQUILLON A., 2000, Le "bleu égyptien" à Ras Shamra-Ougarit (Syrie), in P. Matthiae, A. Enea, L. Peyronel et F. Pinnock éds Proceedings of the First International Congress on the Archaeology of the Ancient Near East (Rome, 18-23 mai 1998), Rome, p. 985-1000.
MATOÏAN V., BOUQUILLON A., 2003, Vitreous materials in Ugarit : new data, in T. Potts, M. Roaf et D. Stein (ed.), Culture through Objects : Near Eastern, Studies in Honour of P.R.S. Moorey, Griffith Institute Oxford, p. 333-346.
MATOÏAN V., BOUQUILLON A., 2006, Les matières bleues de l’antique cité d’Ougarit, Documents d’Achéologie Syrienne, IX, Direction Générale des Antiquités et des Musées, Damas.


Les scarabées d'Ougarit conservés dans les musées de Syrie
Bérénice Lagarce
Doctorante (Université Sorbonne-Paris IV), boursière à l'Institut français du Proche-Orient, Damas
Égyptologue, épigraphiste de la mission

Un type de témoignage particulièrement important sur les pratiques religieuses est représenté par les scarabées et scaraboïdes en faïence ou en pierre, généralement gravés d'une inscription sur le plat. On trouve ces objets en abondance, tant en Égypte, où ils ont vu le jour dès l'Ancien Empire, qu'au Levant, où ils furent importés, puis imités, à partir des XVIIIe-XVIIe siècles av. J.-C., semble-t-il. Ils étaient utilisés avant tout comme amulettes, principalement en contexte funéraire, étant donné leur symbolisme lié à la renaissance et leur vertu régénérative ; mais ils pouvaient aussi être portés comme talismans par les vivants, ou encore - en Égypte du moins - être employés comme des sceaux.
Le problème que pose aujourd'hui ce type de documents est que la grande majorité de ceux que nous connaissons ont été acquis sur le marché, ou ne proviennent pas d'un contexte archéologique précis. Pour les sites de Palestine qui ont livré des corpus de scarabées lors de fouilles régulières, on peut cependant constater que l'usage dominant de ces objets était apparemment de les déposer dans les tombes en guise d'amulettes funéraires.

Le site de Ras Shamra-Ougarit offre l'occasion d'examiner l'ensemble des scarabées et scaraboïdes, pour la plupart inédits, d'une ville de l'âge du Bronze au Levant Nord, région pour laquelle ce type de matériel n'est pas encore bien documenté par des publications. L'autre avantage de ce corpus est qu'il s'agit de documents qui proviennent, à quelques exceptions près, de fouilles régulières, et que l'on dispose donc, pour la plupart d'entre eux, d'un contexte archéologique donné. Cependant, trois obstacles compliquent l'analyse : d'abord, ce contexte archéologique n'est pas toujours aussi précis qu'on le souhaiterait, surtout pour les campagnes anciennes. De plus, le problème inhérent à ce type de matériel est que les scarabées sont parmi les objets les plus susceptibles d'être déplacés en raison de leur petite taille, qui les rend aisément transportables d'un point à un autre - parfois très loin de leur lieu d'origine -, mais aussi vulnérables à la moindre perturbation des couches archéologiques. Enfin, il s'agit d'une catégorie de documents que l'on conservait volontiers à travers les âges et qui pouvaient être transmis de génération en génération, de sorte que l'on peut retrouver des scarabées d'époques diverses dans des niveaux bien postérieurs. Toutes ces raisons font qu'il faut se garder de fonder trop fermement des conclusions sur les contextes archéologiques de découverte indiqués pour notre matériel.

Les scarabées et scaraboïdes d'Ougarit couvrent toute la période depuis l'âge du Bronze moyen à la fin du Bronze récent, et sont représentatifs, dans leur décor et leur style, des différentes tendances qui ont travaillé la production des scarabées au IIe millénaire, en Méditerranée orientale : on y reconnaît des modèles égyptiens et égyptisants, mais aussi des motifs d'origine proprement syrienne, dans le style dit « hyksos ». L'éventail des ornements et des inscriptions va du motif géométrique ou floral à la formule de dévotion à une divinité ou d'allégeance à un pharaon, en passant par des scènes impliquant des figures humaines ou animales, et par diverses compositions hiéroglyphiques plus ou moins déchiffrables. L'étude approfondie et la publication de ce matériel devraient contribuer à l'avancée des connaissances sur l'histoire des relations et des influences réciproques - artistiques, culturelles, religieuses, politiques - entre l'Égypte et le Proche-Orient à l'âge du Bronze.

Bibliographie :
- Schulz Regine, en collaboration avec Seidel Matthias, Khepereru - Scarabs : scarabs, scaraboids, and plaques from Egypt and the Ancient Near East in the Walters Art Museum, Baltimore, Oakville, 2007.
- Ben-Tor Daphna, Scarabs, chronology, and interconnections : Egypt and Palestine in the Second Intermediate Period, OBO, Series Archæologica, 27, Fribourg-Göttingen, 2007.
- Richards Fiona, The Anra scarab : An archaeological and historical approach, BAR 919, Oxford 2001.
- GIVEON Raphael, WARBURTON David et UEHLINGER Christoph, Scarabs from Recent Excavations in Israel, OBO 83, Freiburg - Göttingen, 1988.
- GIVEON Raphael, Egyptian scarabs from Western Asia from the Collections of the British Museum, Universitätsverlag Freiburg Schweiz, Göttingen, 1985.
- TUFNELL Olga, MARTIN G. T. et WARD William A., Studies on Scarab Seals II : Scarab Seals and their Contribution to History in the Early Second Millenium B. C., 1. Text, Warminster, 1984.
- Jaeger Bertrand, Essai de classification et datation des scarabées Menkhéperrê, OBO Series Archaeologica 2, Fribourg-Göttingen, 1982.
- Matouk Fouad S., Corpus du scarabée égyptien, tome 1. Les Scarabées royaux, Beyrouth, 1971.
- Matouk Fouad S., Corpus du scarabée égyptien, tome 2. Analyse thématique, Beyrouth, 1977.

Autres dossiers en cours :
- Édition d'un texte en hiéroglyphe égyptien de la "Maison d'Ourtenou".
- Participation à la publication des fouilles de la Maison de Yabninou : étude des objets inscrits en hiéroglyphes égyptiens


La religion, les pratiques cultuelles et la magie à Ougarit : étude de la culture matérielle
Valérie Matoïan et Aurélie Carbillet


Une part importante de nos connaissances sur la religion d’Ougarit est fondée sur l’étude de la documentation écrite : textes en langue ougaritique qui révèlent la religion cananéenne de la fin de l’âge du Bronze au Levant nord, textes accadiens et sumériens reflétant pour l’essentiel la tradition mésopotamienne, et textes en hourrite en rapport avec le culte sacrificiel. L’archéologie quant à elle apporte des données sur les lieux de culte, officiels ou privés, sur les instruments de culte, et nous livre de très nombreuses images qui nous permettent d’appréhender les figures divines connues à Ougarit et la représentation de scènes de culte.
Un programme visant à l’étude exhaustive de la documentation archéologique, selon ces trois axes de recherche, est en cours. Il viendra compléter notamment les dernières recherches menées dans le cadre de la mission, à savoir l’étude architecturale par Olivier Callot, d’une part, des deux sanctuaires de l’acropole (RSO XIX, 2011), et d’autre part, du bâtiment localisé au nord du Palais royal interprété comme un sanctuaire (à paraître RSO XXI), mais aussi l’étude des tombes par Sophie Marchegay et l’étude des figurines en métal, par Ella Dardaillon, Annie Caubet et Marguerite Yon.

Les lieux de culte actuellement sous étude (2011)

- Le sanctuaire dit palatial ou « Temple hourrite » : étude des objets mis au jour lors de la fouille du bâtiment (Valérie Matoïan et Aurélie Carbillet).

Les catégories d’objets actuellement sous étude (2011)

- Les objets mis au jour dans la Maison dite du Prêtre-magicien et dans celle d’Agipsharri de la Tranchée Sud-Acropole (Valérie Matoïan)
- Les objets trouvés aux points topographiques 2755 et 2837 de la Tranchée Ville Sud (Valérie Matoïan)
- Les bagues en métal précieux à décor figuré (Valérie Matoïan)
- Les rhytons (master 1, Lyon 2)
- Les « appliques murales » (Aurélie Carbillet)

Les images actuellement sous étude (2011)

- Les représentations d’ « autels » (Aurélie Carbillet, Valérie Matoïan)
- Les représentations de pierres dressées ( ?) (Valérie Matoïan)
- Les images d’Hathor (Aurélie Carbillet, Francesca Onnis)
- Les images de Bès et de Thouéris (Valérie Matoïan)
- Les images du serpent (Valérie Matoïan)

Bibliographie :
V. MATOÏAN 2010, "Étude d'iconographie levantine. Bès à Ougarit", Semitica et Classica 3, p. 213-221.


Bès à Ougarit
Valérie Matoïan

L'image du dieu égyptien Bès s'est diffusée au Proche-Orient et en Méditerranée orientale dès le début du second millénaire avant J.-C. Encore exceptionnelles dans ces régions à la période du Bronze moyen, les représentations de Bès se multiplient au Bronze récent, et, au millénaire suivant, la figure de Bès est attestée dans l'ensemble du bassin méditerranéen. De nombreuses études lui ont été consacrées, soulignant, entre autres, les diverses réinterprétations élaborées dans le monde méditerranéen à partir du schéma iconographique initial du Bès égyptien et les liens avec les figures de Melqart et d'Héraclès.

Bien qu'Ougarit offre un dossier particulièrement riche pour la période du Bronze récent, la documentation ougaritique concernant Bès n'a fait l'objet que de relativement peu d'attention jusqu'à aujourd'hui. Une première présentation des attestations de la figure de Bès au sein de la documentation ougaritique est parue en 2010, dans l'attente de la publication détaillée du corpus.

La documentation iconographique livrée par les sites de Ras Shamra et de Minet el-Beida permet d'appréhender les représentations divines connues des Ougaritains. Ces dernières permettent d'évoquer le panthéon local, sur lequel nous renseignent en particulier les textes rituels et littéraires mis au jour à Ougarit, mais aussi les images de divinités étrangères au nombre desquelles plusieurs dieux et déesses de l'Égypte ancienne.  Bès, divinité complexe d'aspect grotesque dont l'image fut révélée dès les premières campagnes de fouille sur le site de Ras Shamra, est l'un d'entre eux. En Égypte, sont identifiés à Bès divers dieux apotropaïques apparentés, à l'apparence de nains. Ils sont représentés avec une large tête aux oreilles animales, le visage encadré par une crinière de lion, un corps difforme, les jambes courtes arquées, et sont vêtus d'une peau de lion avec longue queue. Ils portent souvent la barbe ainsi qu'une coiffure à hautes plumes et tirent la langue.
Compagnon, comme Thouéris, de la déesse Hathor, Bès protège avant tout le domaine de la femme. Il est protecteur apotropaïque de l'accouchement, du nouveau-né et de l'enfant divin ou royal en bas âge. Bès est aussi le dieu de la musique, de la danse et du vin, qui amuse avec ses grimaces, ses danses et son tambourin. Nous ne connaissons pas les modalités de la transmission de l'image de « Bès » de l'Égypte vers le Proche-Orient. À Ougarit, au vu de la documentation archéologique disponible, cette  figure apparaît à la fin du Bronze moyen ou au tout début du Bronze récent, dans le domaine de la glyptique. Au Bronze récent, on observe une nette augmentation des attestations qui proviennent dès lors de trois sites différents du royaume. Le nombre et la variété des représentations et des supports semblent indiquer que cette figure divine d'origine égyptienne est alors bien intégrée dans l'iconographie ougaritique. En effet, le corpus que nous avons établi montre que Bès est l'une des divinités égyptiennes les plus représentées à Ougarit. Cette étude apporte des éléments supplémentaires au dossier concernant les liens qui ont existé entre Ougarit et la civilisation égyptienne et permet de nous interroger sur notre méthodologie et sur l'apport des études iconographiques et iconologiques à l'histoire des religions. Comment interpréter la figure de Bès dans le contexte de la civilisation ougaritique ? L'une des questions qui se pose est en effet de savoir dans quel cadre et à quel niveau de la société s'est faite l'intégration de ces divinités étrangères. Bien que significatif pour la période et la région, le corpus est encore réduit et il convient de souligner qu'il comprend une proportion importante d'œuvres classées dans la catégorie des objets de luxe destinés à l'élite.
Ces objets sont-ils les témoignages d'une certaine forme de religiosité privée ? Ne connaissant ni les commanditaires, ni les destinataires de ces objets, Levantins ou Égyptiens, ni la fonction de ces objets, il nous semble bien difficile de répondre à cette question.

Toutefois, quand on sait le développement du culte des dieux guérisseurs au Ier millénaire, notamment dans le domaine de la religion phénico-punique et le rôle de background des traditions syro-palestiniennes de l'âge du Bronze, on comprend tout l'intérêt de mieux connaître le dossier concernant le dieu Bès à Ougarit, divinité proche des besoins humains les plus immédiats et élémentaires, dont l'image fut très populaire chez les Phéniciens d'Orient et d'Occident.

Bibliographie :

MATOÏAN V., 2014, « La naissance à Ougarit, d'après la documentation iconographique », in L. Marti (éd.), La famille dans le Proche-Orient ancien : réalités, symbolismes et images, Actes de la 55e Rencontre Assyriologique de Paris, Collège de France (6-9 juillet 2009), Winona Lake, Indiana, p. 429-441.

MATOÏAN V., 2013, « Ougarit, porte méditerranéenne de l'Asie », in P. Bordreuil, F. Ernst-Pradal, M.G. Masetti-Rouault, H. Rouillard-Bonraisin (éds), Les écritures mises au jour sur le site antique d'Ougarit (Syrie) et leur déchiffrement 1930-2010, Commémoration du quatre-vingtième anniversaire du déchiffrement de l'alphabet cunéiforme de Ras Shamra-Ougarit, AIBL, Paris, p. 99-138.


Une statuette ou un vase en forme de déesse-hyppopotame
Valérie Matoïan

(RS 15.548) DANS LE PALAIS ROYAL D'OUGARIT)
Les études portant sur les objets découverts dans le Palais royal d'Ougarit au cours des quinze dernières années ont permis d'approfondir nos connaissances sur la culture matérielle palatiale du Levant Nord au Bronze récent et de révéler nombre de pièces inédites (RSO XIII, XVI, XVII). Notre regard portera ici sur une statuette (ou vase) en céramique, mise au jour en 1951, dont la plastique évoque l'image de la déesse-hippopotame égyptienne. Nous nous interrogerons sur l'interprétation fonctionnelle et symbolique de cette œuvre remarquable — dont la présence dans le Palais royal peut être rapprochée de celle d'autres objets, pièces importées d'Égypte et créations levantines influencées par les productions égyptiennes — et sur l'apport de cette découverte à l'étude de la diffusion des représentations de la déesse-hippopotame en Méditerranée orientale au IIe millénaire av. J.-C.

Bibliographie :

MATOÏAN V., 2014, « Une statuette ou un vase en forme de déesse-hippopotame dans le Palais royal d'Ougarit », Syria 91, p. 221-245.


Les appliques murales d’Ougarit
Aurélie Carbillet

Ce matériel archéologique fait l'objet d'un programme de recherche débuté en automne 2010. Le dépouillement des archives de la mission a permis de comptabiliser près de 150 exemplaires d'appliques murales, complètes ou fragmentaires, soit une centaine d'exemplaires de plus que ceux connus par les publications, faisant du corpus d'Ougarit le plus important des corpus levantins du Bronze Récent. Une première étude, sous presse, s'est intéressée aux appliques décorées d'une représentation féminine, une série jusqu'à ce jour exclusivement attestée à Ougarit. Le catalogue commenté de ces objets paraîtra dans le prochain volume des Études Ougaritiques (IV).

Bien que ces objets soient très répandus au Levant et à Chypre au cours du Bronze récent, leur fonction reste encore à déterminer. Plusieurs hypothèses ont été avancées, sans que, faute d’étude, l’une d’entre elles n’emporte l’unanimité : lampes, brûle-encens, objets ayant servi à contenir des offrandes ou des libations, ex-voto. L’analyse de ces objets, associée à l’étude de leur contexte de découverte et de l’iconographie dont certains sont porteurs (protomé de taureau, déesse nue à coiffure hathorique, etc.), permettra, nous l’espérons, de préciser leur destination qui pourrait ne pas être univoque.

L’analyse de leur pâte permettra également d’identifier la provenance de ces objets : s’agit-il de productions locales, de productions levantines et/ou d’importations chypriotes ?

Bibliographie :
CAUBET A., YON M., 1974, « Deux appliques murales chypro-géométriques au Louvre », RDAC, p. 112-131.
GACHET J., 1996, « Le "centre de la ville" d'Ougarit : la maison C », Syria 73, p. 153-184.
KARAGEORGHIS J., Karageorghis V., 2006, « À propos des appliques murales de Chypre », RDAC, p. 173-197.
MALLET J., 1987, « Le temple aux rhytons », dans M. Yon (éd.), Le Centre de la ville. 38e-44e campagnes (1978-1984), RSO III, Paris, p. 213-248.
MALLET J., MATOÏAN V., 2001, « Une maison au sud du "Temple aux rhytons" », dans M. Yon, D. Arnaud (éds.), Études ougaritiques I. Travaux 1985-1995, RSO XIV, Paris, p. 83-190 et notamment p. 118-119.
SCHLIPPHAK R., 2001, Wandappliken der Spätbronze- und Eisenzeit im östlichen Mittelmeerraum, Wiesbaden.

(© dessins : Michel Al-Maqdissi)


Les miroirs d'Ougarit
Valérie Matoïan, Aurélie Carbillet

Les miroirs sont une catégorie d'accessoire de toilette peu fréquente à Ougarit.
La découverte, dans les archives de fouille, d'un exemplaire inédit, RS 27.083, mis au jour dans le « Palais Sud », interprété à tort dans la littérature comme une pelle à galette, nous a donné l'occasion de reprendre l'ensemble de la documentation relative à cette catégorie d'objets à Ougarit.
Ainsi, nous proposons également d'interpréter, à titre d'hypothèse, un élément en ivoire comme un manche de miroir, portant peut-être à trois le nombre de ces objets à Ougarit.
Nos interrogations portent sur l'origine de ces objets à Ougarit (locale ou importée ?), leur nature (bien de prestige ?), le cadre de leur utilisation (domestique, rituel ?).

Bibliographie :
MATOÏAN V., CARBILLET A., 2014, « 'Miroirs, mes beaux miroirs...' ou Un instrument de toilette peu attesté à Ugarit », Semitica et Classica 7, p. 171-181.



Les kernoi et vases annulaires d'Ougarit
Valérie Matoïan, Aurélie Carbillet

Dans le cadre du programme de recherche sur « le fait religieux à Ougarit », une étude sur les kernoi et sur les vases annulaires est en cours. Bien que ces vases, qui sont à classer parmi la vaisselle cultuelle, soient peu nombreux à Ougarit (une dizaine de spécimens dont des inédits), ils témoignent d'une grande diversité typologique et sont issus de différents contextes. Certains sont des productions régionales, d'autres des importations.


Les céramiques avec "marque" d'Ougarit
Valérie Matoïan
Marques sur anses d’amphores, chantier "Grand-rue", Ougarit  (© mission de Ras Shamra).
Fragment de jarre à étrier minoenne (RS 2006.3189), chantier "Grand-rue", Ougarit  (© mission de Ras Shamra).

Les fouilles archéologiques en cours sur le tell de Ras Shamra-Ougarit, les publications récentes du matériel issu des recherches de terrain plus anciennes et l’étude des collections conservées dans les musées ont apporté récemment de nouvelles données concernant le dossier des « marques » sur céramiques dans le répertoire d’Ougarit pour la période du Bronze récent.
Dès les premières campagnes de fouille, les céramiques avec « marque » découvertes à Minet el-Beida attirèrent l’attention du fouilleur. Les tombes de Minet el-Beida livrèrent un abondant matériel parmi lequel des vases mycéniens présentant des « marques », peintes ou incisées, que Cl. Schaeffer chercha à interpréter dès 1933 : « Les unes sont des marques d’atelier ou de potier, la signification des autres est plus difficile à préciser : marques de marchand intermédiaire, marques de propriétaire, marques relatives au contenu, au prix, etc. ». En 2000, N. Hirschfeld offrait une première étude détaillée de l’ensemble des céramiques avec « marques » d’Ougarit.
L’étude de N. Hirschfeld représente la première synthèse sur les "marques" observées sur les vases en céramique du Bronze récent mis au jour sur trois sites du royaume d’Ougarit : Ras Shamra, Minet el-Beida et Ras Ibn Hani. Pour Ras Shamra et Minet el-Beida, cette documentation concerne pour une grande part les fouilles anciennes menées sous la direction de Cl. Schaeffer et le matériel publié soit dans son étude d’Ugaritica II (1949) – en particulier la céramique égéenne des tombes de Minet el-Beida –, soit dans le corpus établi par J.-Cl. Courtois, avec la collaboration de L. Courtois, dans Ugaritica VII (1978). Concernant les fouilles récentes sur le tell de Ras Shamra, la publication fait référence aux résultats des premières campagnes menées dans le secteur du Centre de la Ville. N. Hirschfeld a ainsi établi un répertoire de 120 marques dont 90 pour Ras Shamra, 26 pour Minet el-Beida et 3 pour Ras Ibn Hani.

Les r ésultats des recherches en cours dans le chantier "Grand-rue" sur le tell de Ras Shamra-Ougarit, complétés par les publications récentes du matériel issu des fouilles plus anciennes (notamment celles des années 1975-1976 et celles du secteur dit du Centre de la Ville) et par nos propres investigations au Musée national de Damas nous ont conduite à rouvrir le dossier des « marques » sur céramiques dans le répertoire d’Ougarit pour la période du Bronze récent (Matoïan 2011). L’étude permet d’actualiser, pour le site de Ras Shamra, le premier bilan réalisé. Le corpus a été augmenté de moitié par l’ajout de 60 spécimens au 120 que N. Hirschfeld avait répertoriés. Cette augmentation est due pour beaucoup à la prise en compte, d’une part, des « marques » sur la céramique Red-Lustrous, et, d’autre part, des découvertes récentes faites dans le chantier « Grand-rue » sur le tell de Ras Shamra. Concernant ce secteur, les « marques » que nous avons répertoriées sont incisées ou imprimées et la plupart sont placées sur les anses des vases, pour l’essentiel de production locale. Signalons toutefois un fragment de jarre à étrier minoenne (RS 2006.3189), datée du Minoen Récent IIIB, dont la marque s’apparente à un signe chypro-minoen (CM 110), est pour l’instant unique dans le répertoire des marques sur céramiques d’Ougarit.
Replacé dans l’ensemble de la céramique mise au jour sur le site de Ras Shamra, le corpus des vases avec « marque » reste réduit (moins de 200 pièces). Il est cependant le plus important du Levant nord pour la période.

Bibliographie :
- Courtois J.-C. 1978 « Corpus céramique de Ras Shamra – Ugarit, niveaux historiques d’Ugarit, Bronze Moyen et Bronze Récent », in C.F.-A. Schaeffer (dir.), Ugaritica VII, Mission de Ras Shamra XVIII, Paris - Leiden, p. 191-370.
- Hirschfeld N. 2000, « Marked Late Bronze Age Pottery from the Kingdom of Ugarit », in M. Yon, V. Karageorghis et N. Hirschfeld (éds), Céramiques mycéniennes. Ras Shamra-Ougarit XIII, Fondation A.G. Leventis & ERC, Nicosie, p. 163-200.
- Hirschfeld N. 2004, « Eastwards via Cyprus ? The marked Mycenaean pottery of Enkomi, Ugarit and Tell Abou Hawam », in J. Balensi, J.-Y. Monchambert et S. Müller Celka (éds), La céramique mycénienne de l’Égée au Levant, Hommage à Vronwy Hankey, TMO 41, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, p. 97-103.
- Hirschfeld N. 2008, « How and why potmarks matter », Near Eastern Archaeology, 71 : 1-2, p. 120-129.
- Matoïan V., 2011, « Données récents sur les céramiques avec ‘marques’ d’Ougarit », in V. Matoïan, M. Al-Maqdissi et Y. Calvet (éds), Études ougaritiques II, Ras Shamra – Ougarit XX, Éditions Peeters, Leuven.
- Schaeffer C.F.A. 1949, Ugaritica II, Nouvelles études relatives aux découvertes de Ras Shamra, Mission de Ras Shamra V, Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris.


L'industrie textile
Valérie Matoïan et Juan-Pablo Vita
Fig.1 – Décor du cachet RS 19.199  de Ras Shamra : représentation d’un bateau avec voilure.
Fig.2 – Fuseaux et fusaïoles en ivoire, Ras Shamra – Ougarit d’après Gachet-Bizollon 2007).
Fig.3 - Décor du sceau-cylindre RS 7.602 de Ras Shamra avec représentation d’un filet.
Fig.4 - Tablette en cunéiforme alphabétique RS 15.035 de Ras Shamra : liste de vêtements avec leur prix. (© Mission de Ras Shamra)

Les textiles, leur fabrication et leur utilisation, ont occupé une place non négligeable en Syrie dans les sociétés de l’âge du Bronze. L’étude des textiles est riche d’enseignements car elle conduit à s’interroger sur la société, sa culture, ses productions, son économie, voire sur la religion. Ougarit offre une documentation de premier ordre pour l’étude de la fabrication et de l’utilisation des textiles au Levant à la fin de l’âge du Bronze.

Alors que l’exploitation des données archéologiques n’en est qu’à ses débuts et que l’un des objectifs premiers de notre travail consistera en l’établissement d’un inventaire exhaustif et critique du matériel archéologique, de nombreuses études portant sur l’industrie textile à Ougarit d’après les textes ont été publiées. Les textes d'Ougarit offrent, en effet, des informations sur différentes activités de nature artisanale et industrielle, dont celles relatives à l'industrie textile. Les termes ougaritiques en rapport avec les textiles se trouvent dans tous les types de textes, bien que la majorité est concentrée dans les textes administratifs ou économiques.

Mais il est aujourd’hui essentiel que la recherche intègre ces deux approches et que les résultats de l’analyse de la documentation archéologique soient confrontés à ceux de l’analyse des sources textuelles. Ce travail sur les textiles à Ougarit doit, de plus, être envisagé dans une perspective régionale et diachronique, en prenant en compte les données publiées pour l’ensemble de la Syrie à l’âge du Bronze, depuis l’Euphrate jusqu’à la côte en passant par la Syrie centrale. Par ailleurs, l’approche devra être élargie pour la période du Bronze récent à l’ensemble du Levant et à la Méditerranée orientale.

La finalité de notre recherche est de mieux appréhender la dimension culturelle et sociale de ce domaine de la vie des habitants d’Ougarit : mieux définir le cadre des différentes activités liées aux textiles, mieux connaître les hommes et les femmes qui pratiquaient ces activités.

Bibliographique :
- Bréniquet C., 2008, Essai sur le tissage en Mésopotamie des premières communautés sédentaires au milieu du IIIe millénaire avant J.-C., Travaux de la Maison René-Ginouvès 5, Paris.
- Callot O., 1994, La tranchée “Ville Sud”, Études d'architecture domestique, Ras Shamra-Ougarit, X, ERC, Paris.
- Durand J.-M., 2009, La nomenclature des habits et des textiles dans les textes de Mari. Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris, Tome 1, Archives Royales de Mari, XXX, Paris.
- Gachet-Bizollon J., 2007, Les ivoires d'Ougarit, RSO XVI, ERC, Paris.
- Icart J.-C., Chanut C. et Matoïan V., 2008, « Le matériel en pierre du Palais royal d'Ougarit : diagnose, nomenclature, provenance et usage », in V. Matoïan (dir.), Le mobilier du palais royal d’Ougarit, Ras Shamra - Ougarit XVII, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, p. 157-190.
- Matoïan V. et Vita J.-P., 2009, « Les textiles à Ougarit : perspectives de la recherche », Ugarit-Forschungen 41, p. 469-504.
- Ribichini S. et Xella P., 1985, La Terminologia dei Tessili nei Testi di Ugarit, Rome.
- Sanmartín J., 1992, « Tejidos y ropas en ugarítico: apuntes lexicográficos », AuOr 10, p. 95-103.
- Schaeffer C.F.A., 1951, « Une industrie d’Ugarit : la pourpre », Annales archéologiques de Syrie I, n° 2, p. 188-192.
- van Soldt W.H., 1990, « Fabrics and Dyes at Ugarit », Ugarit Forschungen, 22, p. 321-357.
- Vita J.-P., 2004, « RS 15.176 et RS 15.176 bis : Deux bulletins ougaritiques de livraison de vêtements », Ugarit-Forschungen, 36, p. 523-531.
- Vita J.-P., 2007, « Les documents des archives est du Palais royal sur les textiles: une contribution à la connaissance de la procédure administrative à Ougarit », in J.-M. Michaud (ed.), Le royaume d’Ougarit de la Crète à l’Éuphrate. Nouveaux axes de recherche, GGC Éditions, Sherbrooke 2007, 243-265.
- Vita J.-P., 2008, « Le texte administratif ougaritique RS 15.115 (distribution de textiles) : remarques épigraphiques », Studi Epigrafici e Linguistici, 25, p. 47-55.
- Vita J.-P, 2010, « Textile Terminology in the Ugaritic Texts », in C. Michel, M.-L. Nosch (eds.), Textile Terminologies in the Ancient Near East and Mediterranean from the Third to the First Millennia BC., Ancient Textiles Series vol. 8, Oxbow Books, Oxford, 323-337.


Les textes administratifs en langue ougaritique des Archives Est
Juan-Pablo Vita

Un total de 248 textes et fragments de genres divers a été trouvé dans les Archives Est du palais royal d’Ougarit, notamment des lettres, des documents juridiques et économiques, ainsi que quelques textes religieux et littéraires. La plupart des documents sont rédigés en accadien et en ougaritique, quelques-uns sont en hourrite ou en égyptien. Il y a en tout 166 textes en ougaritique et 82 en accadien.

Les textes économiques sont les plus nombreux : 123 textes, soit 49,5 % du corpus. 106 sont rédigés en ougaritique, 17 en accadien. La grande majorité des textes administratifs ougaritiques ont été trouvés, au cours de la quinzième campagne, puis de la dix-septième et proviennent des différentes pièces de l’archive. Les sujets traités par ces documents concernent une grande variété de questions, notamment des listes de personnes, de métiers et de villes du royaume, des rations alimentaires, des transactions diverses de terres, de produits agricoles, de textiles, d’armement, d’argent.

Ch. Virolleaud, dans Le Palais Royal d’Ugarit II (Paris, 1957), publia 72 des textes administratifs ougaritiques. Ces textes furent repris par M. Dietrich, O. Loretz et J. Sanmartín, dans Die keilalphabetischen Texte aus Ugarit. Teil 1: Transkription (Neukirchen-Vluyn, 1976), qui en ajoutaient 33 nouveaux provenant de cette archive. Un texte fut également publié par M. Dietrich et O. Loretz, Die Elfenbeininschriften und S-Texte aus Ugarit (Neukirchen-Vluyn, 1976). Tous ces documents furent réédités dans des éditions postérieures du corpus ougaritique (J.-L. Cunchillos et J.-P. Vita, Textos ugaríticos, Madrid 1993 ; M. Dietrich, O. Loretz et J. Sanmartín, Cuneiform Alphabetic Texts from Ugarit, Ras Ibn Hani and Other Places, Münster 1995).

Pour Le Palais Royal d’Ugarit II (Paris, 1957), Virolleaud travaillait encore sur les tablettes originales. La qualité de ses lectures est donc généralement remarquable. Néanmoins, après 53 ans, son travail peut être amélioré et mis à jour sur plusieurs points. Il en résulte que les textes administratifs de cette archive, comme c’est le cas de tous les documents administratifs en langue ougaritique, ne se trouvent à la portée que d’un nombre assez restreint de spécialistes ougaritologues.

Les principaux objectifs d’une réédition des textes administratifs en langue ougaritique ont déjà été exposés par P. Bordreuil et D. Pardee dans plusieurs publications : a) offrir une base épigraphique sûre des textes ; b) rendre une base paléographique exacte pour ce genre de recherches ; c) donner des traductions mises à jour, qui reflètent les progrès atteints par l’ougaritologie depuis les dernières décennies ; d) achever une édition qui permette la diffusion de ces textes au-delà du cercle restreint des ougaritologues. Nous ajouterions encore les objectifs suivants : e) recomposer les dossiers présents dans ces Archives, en tenant aussi compte du lieu de trouvaille des tablettes ; f) tenter de mieux comprendre la nature et la fonction de ces Archives, en tenant compte également des données d’ordre archéologique (voire à ce propos les diverses contributions dans Matoïan 2008) ; g) intégrer dans l’étude les textes administratifs en langue accadienne de ces archives ; h) insérer le plus possible dans la recherche les données d’ordre social et économique du monde qui entourait Ougarit, y compris le monde mycénien.

Bibliographie :
BORDREUIL P., PARDEE D. 1989, La trouvaille épigraphique de l'Ougarit I, Concordance, RSO V, Paris.BORDREUIL P., PARDEE D. 1995, « L’épigraphie ougaritique : 1973-1993 », in M. Yon, M. Sznycer, P. Bordreuil (éds.), Le pays d’Ougarit autour de 1200 av. J.-C., RSO XI, Paris, p. 27-32.DIETRICH M., LORETZ O., SANMARTÍN J. 1995, Cuneiform Alphabetic Texts from Ugarit, Ras Ibn Hani and Other Places, Münster.MATOÏAN V. (dir.) 2008, Le mobilier du palais royal d’Ougarit, RSO XVII, Lyon.
PARDEE D. 2005, « Trois comptes ougaritiques. RS 15.062, RS 18.024, RIH 78/02 », Syria 77, p. 23-67.
PARDEE D. 2005, « Défense de la grammaire ougaritique : le cas de RS 15.053 », Studi epigrafici e linguistici 22, p. 13-18.
PARDEE D. 2005, « RS 15.039 remis sur pied », Journal of Ancient Near Eastern Religions 7, p. 67-85.
ROUGEMONT F., VITA J.-P., « Les enregistrements de chars à Ougarit et dans le monde mycénien: approche comparative sur l'administration au Bronze récent », in W. H. Van Soldt (éd.), Society and Administration in Ancient Ugarit, Publications de l’Institut historique-archéologique néerlandais de Stamboul, Leiden-Stamboul. Sous presse.
VAN SOLDT W. H. 1986, « The Palace Archives at Ugarit », in K.R. Veenhof (éd.), Cuneiform Archives and Libraries, Istanbul-Leyde, p. 196-204.
VAN SOLDT W. H. 1991, Studies in the Akkadian of Ugarit. Dating and Grammar, Neukirchen-Vluyn.
VIROLLEAUD CH. 1957, Le Palais Royal d’Ugarit  II, Paris.
VITA J.-P. 2000, « À propos de la vocalisation du mot ©rtnm dans le texte ougaritique RS 15.094 », Semitica 50, p. 220-221.
VITA J.-P. 2004, « RS 15.176 et RS 15.176 bis: Deux bulletins ougaritiques de livraison de vêtements », Ugarit-Forschungen 36, p. 523-531.
VITA J.-P. 2007, « Les documents des archives est du Palais royal sur les textiles: une contribution à la connaissance de la procédure administrative à Ougarit », in J.-M. Michaud (éd.), Le royaume d’Ougarit de la Crète à l’Éuphrate. Nouveaux axes de recherche, Sherbrooke, p. 243-265.
VITA J.-P. 2002-2007, « Notes épigraphiques à propos de quatre textes administratifs ougaritiques », Semitica 52-53, p. 156-159.
VITA J.-P. 2008, « Relecture d’un lot homogène de textes administratifs ougaritiques », in C. Roche (éd.), D’Ougarit à Jérusalem. Recueil d’études épigraphiques et archéologiques offert à Pierre Bordreuil,  Paris, p. 159-166.
VITA J.-P. 2008, « Les textes administratifs en langue ougaritique des ‘Archives Est’ du Palais Royal », in Y. Calvet, M. Yon (éds.), Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent, Travaux de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée 47, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, p. 227-234.
VITA J.-P. 2009, « Le texte administratif ougaritique RS 15.115 (distribution de textiles): remarques épigraphiques », Studi Epigrafici e Linguistici 25. Sous presse.


Paléographie des textes idéo-syllabiques mis au jour à Ras Shamra/Ougarit
Françoise Ernst-Pradal

 Il s’agit là d’un chantier à long terme, destiné à rendre compte des différentes variantes des signes cunéiformes idéo-syllabiques telles qu’elles apparaissent sur les tablettes découvertes à Ras Shamra/Ougarit. Pour lui donner tout son sens, il fallait l’affranchir des inconvénients liés aux transcriptions et travailler à partir des originaux. Longtemps, ce projet n’a pu se réaliser en raison de la dispersion des tablettes entre les grands musées de Paris, Damas et Alep, pour la majorité d’entre elles, ceux de Lattaquié et Tartous, pour quelques unes, sans oublier un petit nombre appartenant à des collections en Belgique, aux Etats-Unis et en Norvège.
L’apparition des technologies numériques a changé les choses puisqu’il est maintenant possible de capter autant d’images que nécessaire de chaque tablette, de les stocker sur disque dur, de les découper signe par signe, pour classer ces derniers selon leurs valeurs.

quelques variantes significatives du signe TUR dans les textes

A l’issue de ce classement, les signes de même valeur sont alors confrontés entre eux de manière à ce que s’organisent, d’après les différences que le regard appréhende, des catégories dont le niveau de pertinence peut être analysé en fonction de ce que l’on recherche : mains de scribe, datation, origine, traditions, formations, évolutions, genre, etc.
En raison de son envergure, plus de 2000 textes, ce travail, déjà commencé en ougaritique, n’avait jamais été entrepris dans le domaine du cunéiforme idéo-syllabique. Il se fait par étape. Dans un premier temps, des textes de tous genres sont traités, de manière à disposer d’un arrière-plan conséquent, indispensable pour la confrontation des signes en tre eux. Puis, les corpus sont « bouclés » les uns après les autres.
Le premier corpus entièrement saisi a été celui des textes juridiques, privilégié parce que la majorité de ses tablettes est datée et qu’une partie d’entre elles, non négligeable, est signée. Son étude a apporté des réponses positives à la question controversée des « mains de scribes » tout en faisant apparaître la complexité de leur réalité. A son analyse, déjà riche d’enseignements viendront s’ajouter les apports issus des autres corpus au fur et à mesure de leur achèvement.
La publication d’un syllabaire regroupant les différents types de signes visibles sur les tablettes de Ras Shamra/Ougarit, accompagnés pour chaque type d’informations renvoyant, quand ils sont connus, aux genre, origine, datation, lieu de découverte, scribe et langue représentée, devrait conclure le projet.
Les recherches en cours sur les autres sites du monde du cunéiforme montrent, si besoin est, qu’il s’agit là d’une publication attendue dont le bénéfice serait partagé par tous. Délaissée en raison des difficultés évoquées plus haut, la paléographie suscite enfin un intérêt qui ne cesse de se développer. Ce projet vient donc tout naturellement s’inscrire dans cette dynamique nouvelle.

Bibliographie :
BUCCELLATI  G., 1979, Comparative Graphemic Analysis of Old Babylonian and Western Akkadian. UF 11, 89-100.
ELLISON  J. L., 2002, A Paleographic Study of the Alphabetic Cuneiform Texts from Ras Shamra/Ugarit. Harvard University, Cambridge, Massachusetts USA.
ERNST-PRADAL F., 2007,   Tablettes akkadiennes signées et mains de scribes : complexité des problèmes de paléographie à Ougarit. Le royaume d’Ougarit de la Crète à l’Euphrate, nouveaux axes de recherche. Actes du Congrès International de Sherbrooke 2005. Faculté de théologie, d’éthique et de philosophie. Université de Sherbrooke, 5-8 juillet 2005. POLO. Sherbrooke, p.131-137.
2008, Scribes d’Ougarit et paléographie akkadienne ; les textes juridiques signés. Thèse doctorale conjointe, Université de Paris IV Sorbonne et Institut catholique de Paris.
2010, AD-LUGAL, un cas d’école ? à paraître dans Mesperiph I.
2010, I, IA and TUR in the juridical texts of Ugarit. A paraître dans la publication des actes du symposium international Palaeography and scribal Practices in Syro-Palestine and Anatolia in the Late Bronze Age, Leiden, 17-18 December 2009.
2011, RS 17.028, une tablette corrigée et revue… à paraître dans Mesperiph II.
LABAT  R. et MALBRAN-LABAT  F., 1995, Manuel d’épigraphie akkadienne. Paris.
NEGRI  SCAFA  P., 1987, Criteri e Metodologie per uno Studio Degli Scribi di Nuzi, Studies on the Civilization and Culture of Nuzi and the Hurrians, Volume 2 ed. D.I. Owen and M. A. Morrison, Eisenbrauns, Winona Lake, Indiana, p. 215-223.
NEU  E.  &  RÜSTER  C., 1973, Zur Datierung hethitischer Texte, in Festschrift Heinrich Otten, ed. E.Neu & C. Rüster, Wiesbaden, p.221-242.
1975, Hethitische Keilschrift-Paläographie II : (14./13. Jh. V. Chr.), Studien zu den Bo?azköy-Texten, vol. 21, Wiesbaden.
1989, Hethitisches Zeichenlexikon, Wiesbaden.
PARDEE  D., 2007, La première tablette du cycle de Ba?lu (RS 3.361[CTA 1]) : mise au point épigraphique. Le royaume d’Ougarit de la Crète à l’Euphrate, nouveaux axes de recherche. Actes du Congrès International deSherbrooke 2005. Faculté de théologie, d’éthique et de philosophie. Université de Sherbrooke, 5-8 juillet 2005. POLO. Sherbrooke, p. 105-137.
SALLABERGER  W., 1996, Sign List : Palaeography and Syllabary. In Subartu II: Administrative  Documents from Tell Beydar (Seasons 1993-1995), ed. F. Ismail, W. Sallaberger, P. Talon et K. V. Lerverghe, Tournais, p. 3-67.
VAN SOLDT  W. H.,  1991, Studies in the Akkadian of Ugarit. Dating and Grammar. AOAT 40.
2001    Nahiš-šalmu, an Assyrian Scribe Working in the « Southern Palace » at Ugarit, Veenhof Anniversary Volume, p. 429-444.
2002    The Orthography of Ugaritic Words in Texts Written by the Assyrian Scribe Nahiš-šalmu, Ex Mesopotamia et Syria Lux, Festschrift für M. Dietrich, AOAT 281, p. 685-97.
VITA  J.-P.,  2000, Das Gezer-Corpus von El-Amarna: Umfang und Schreiber, Zetschrift für Assyriologie 90, p. 70-77.
2000, La provenance de la lettre d’El-Amarna EA 308, Semitica 50, p. 1-7.
2002, Der Schreiber der Amarnabriefe EA 221-223, Studi Epigrafici e Linguistici 19, p.33-36.
2005, The town of Musihuna and the Cities of the „Beqa Alliance“ in the   Amarna Letters, Studi Epigrafici e Linguistici 22, p. 1-7.
2006, Anmerkungen zu einigen Amarnabriefen aus Kanaan, Šapal tibnim mû  illak?, Studies Presented to Joaquín Sanmartin on the Occasion of his 65th Birthday, ed. G. del Olmo, Ll. Feliu, A. Mollet, AO-Supplementa 22, p. 437-444.
WILCKE  C., 1992, AH, die „Brüder“ von Emar. Untersuchungen zur Schreibtradition am Auphratiknie. Orientalis 10, p.115-149.