Les textes juridiques suivent au contraire la grande tradition juridique mésopotamienne. Depuis le code d'Hammurabi de Babylone l'akkadien fut la langue du droit dans tout le Proche-Orient ancien ; seules quelques formules propres aux documents d'Ougarit en laissent deviner une adaptation locale.
Les archives internationales, traités et correspondance, sont rédigées en akkadien : les traités conclus avec la monarchie hittite permettent de comprendre comment le petit pays qu'était Ougarit s'inséra dans le jeu politique qui opposait l'Egypte, le Hatti, l'Assyrie pour ne parler que des puissances de première grandeur.
Les lettres, qui emploient dans une très large mesure l'akkadien, langue internationale de l'époque, montrent cependant une grande variété dialectale suivant leur provenance : les traits assyrianisants y sont plus ou moins présents, le substrat cananéen modifie plus ou moins la syntaxe classique. Des lettres internationales proviennent du roi hittite ou du roi de Carkémish mais aussi de Chypre et des souverains de la côte : Tyr, Sidon, Oushnatou, Amourrou. Des lettres commerciales émanent de ces pays, mais aussi d'Emar, aux portes de la Mésopotamie. Certaines ont été retrouvées au Palais, dans différentes archives, mais la majorité était dans des maisons privées, qui jouaient peut-être un rôle semblable à celui de nos ministères. Les tablettes administratives, listes, bordereaux, récépissés, moins nombreuses qu'en ougaritique, témoignent cependant de l'emploi des cunéiformes “mésopotamiens" pour la gestion des revenus du royaume. L'emploi fréquent des idéogrammes et la présence de mots, écrits syllabiquement mais ignorés ailleurs conduit à se demander quelle est la langue ainsi notée : est-ce de l'akkadien ou de l'ougaritain ?
La littérature en ougaritique d'Ougarit
Dennis PARDEE
1. Dans la description qui suit, nous prenons le terme de « littérature » dans son acception la plus large comme ayant trait non seulement aux belles-lettres mais au corpus entier des documents écrits dont l'expression est celle de la langue locale.
2. Il est fondamental de distinguer entre les documents proprement littéraires qui sont rédigés pour la plupart sous une forme poétique qui utilisait une langue plus archaïque que celle que l'on rencontre dans les documents en prose, qui sont des textes d'usage quotidien.
3. Les textes poétiques sont presque tous en rapport avec les actes des dieux. Les mieux connus sont :
a. Le cycle de Baal : six tablettes où est racontée la carrière du dieu de l'orage, ses batailles avec le dieu Mer (Yammu) et le dieu Mort (Môtu), la construction de son palais, sa disparition temporaire au domaine de Mort et sa résurrection.
b. La légende de Kirta : l'histoire du roi de ce nom est inscrite sur trois tablettes dont la dernière ne semble pas porter la fin de l'histoire. D'abord il perd sept épouses à la suite l'une de l'autre sans qu'une d'entre elles lui donne l'héritier désiré, ensuite il obtient l'épouse parfaite qui lui donne sept fils et huit filles, enfin — selon les tablettes qui nous sont parvenues — le fils aîné essaie de s'emparer du trône de son père avant le décès de celui-ci et reçoit à sa place la malédiction paternelle.
c. La légende d'Aqhat : une autre histoire familiale, écrite elle aussi sur trois tablettes et probablement incomplète. Un nommé Danel sollicite des dieux un fils et se voit exaucé ; le fils reçoit un magnifique arc que convoite la déesse Anat dont la requête est repoussée orgueilleusement par le garçon ; pour gagner l'arc refusé, Anat fait assassiner son propriétaire ; à la fin de l'histoire telle qu'elle est conservée, on voit la sœur du héros se confronter à l'agent humain de main de la déesse.
d. Des mythes moins importants (la naissance de Shahar-wa-Shalim, les noces de Nikkalu), moins bien conservés (un cycle de textes dont les protagonistes sont les mânes), ou à but pratique (l'un présente El enivré et fait suivre le mythe d'une recette permettant de se remettre de la consommation abusive de boissons alcoolisées).
e. Des textes occasionnels comme les incantations ou la liturgie permettant à un roi décédé de rejoindre ses ancêtres dans le domaine des morts (RS 34.126).
4. Les textes en prose reflètent toutes sortes d'activités tant officielles que privées :
a. ceux qui prescrivent les détails du culte sacrificiel,
b. les textes divinatoires (manuels aussi bien que textes de la pratique, ces derniers inscrits sur des maquettes en argile de foies et de poumons de petit bétail),
c. deux inscriptions commémoratives sur stèles (RS 6.021 et RS 6.028, découvertes toutes deux dans la cour d'un des grands temples),
d. les lettres (royales et privées, y compris des brouillons ou des lettres qui n'ont jamais été envoyées),
e. les documents où sont consignés maints détails de l'administration de l'économie du royaume (listes et bordereaux de toutes sortes),
f. quelques textes relevant aussi de l'administration mais ayant diverses fonctions (étiquettes, inscriptions sur poids, sur sceaux),
g. les documents juridiques,
h. les textes médicaux (en l'occurrence hippiatriques),
i. les vestiges de l'apprentissage de l'art d'écrire (abécédaires et exercices).
|